Ce week-end de formation des élus PRG, parfaitement organisé par Thierry Braillard, secrétaire d’Etat chargé des sports, fut particulièrement riche en prises de parole de qualité. Les thèmes abordés dans les différents ateliers tournaient autour de la République et des institutions, et écouter s’exprimer, par exemple, Bastien François, constitutionnaliste (Paris I Sorbonne) – qui, pour mieux faire comprendre son propos, n’hésita pas à citer les séries TV The West wing et Borgen – ou le talentueux Jean-Noël Jeanneney, fut un véritable plaisir.
Déformation professionnelle, c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai suivi l’atelier sur la justice qui a commencé avec le constat de Béatrice Patrie, vice-présidente du TGI de Bobigny : tout le monde avait peur des juges mais pour des raisons en fait contradictoires. Les politiques d’abord, qui, depuis l’Ancien Régime, ont toujours craint le gouvernement des juges, les citoyens ensuite, méfiants, depuis longtemps convaincus par la maxime de La Fontaine : «Selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de cour vous rendront noir ou blanc».
Ce fut pourtant l’occasion de s’arrêter sur l’un des principaux acquis de ce quinquennat : l’indépendance vraie de la justice, y compris vis-à-vis des magistrats du Parquet, par rapport au pouvoir exécutif. Et, pour en parler, qui de mieux que celle qui incarne cette réforme et l’a menée au bout avec ténacité et courage : Madame le Garde des Sceaux, Christiane Taubira. En effet, la loi du 25 juillet 2013 interdit les instructions du ministre de la Justice aux procureurs dans les dossiers individuels. Car c’est une chose – normale et souhaitable – que de définir une politique pénale, de fixer des orientations générales devant s’imposer au Ministère public, et ça en est une autre que d’essayer d’influer sur une affaire précise, pour pousser soit à poursuivre, soit à abandonner les poursuites.
Interrogé sur le point de savoir si l’élection des juges, telle qu’on la pratique aux USA, pouvait être une bonne chose pour les rendre indépendants du pouvoir exécutif, Christiane Taubira, après avoir évoqué, avec la verve et la culture qu’on lui connaît, les expériences françaises en la matière, s’est attachée à démontrer les défauts d’une telle élection dont certains tiennent à la compétence. Le juge judiciaire intervient dans des domaines très variés : la démarche ne peut être la même que pour les conseillers prud’homaux ou les juges consulaires.
De plus, qui dit élection dit campagne électorale. Et donc financement, et donc promesses. Et Christiane Taubira, un brin taquine, d’ajouter : «Il est bon qu’on soit tenu par ses promesses. Pourquoi ? D’abord parce qu’on évite – en principe – de faire des promesses inconsidérées. Ensuite parce que c’est une question de respect des électeurs». Elle sourit, un ange passe… «Et bien sûr, ceci serait absolument inconcevable pour un juge, qui se doit d’être impartial».
Elle termine son intervention sous les ovations des participants. Et je me dis que, décidément, grâce à cette grande dame, j’ai à nouveau éprouvé une belle satisfaction.
J’ai un immense respect pour Madame Taubira ; le progrès accompli dans le rétablissement de l’indépendance de la Justice est un des acquis majeurs de cette mandature quinquennale (qui n’en compte pas trop).
Reste le souci des effectifs des personnels de justice, les adjoints administratif, les adjointes administratives, techniques et les greffiers et greffières, en nombre notoirement insuffisants, dont les tâches augmentent à mesure de leur répartition sur un nombre qui reste trop faible de manière constante, ne peut que provoquer le questionnement.
Si on y rajoute le gel (quasiment préhistorique) du point d’indice pour des fonctionnaires qui atteignent rarement le seuil des 2.000 Euro net mensuel de salaire malgré une formation qualifiante (18 mois pour les greffiers) et des responsabilités importantes, on peut comprendre une grogne certaine de ces personnels dont la chancellerie a bien trop peu tenu compte.
L’un des plus gros problèmes de notre justice est son manque de moyens. Par rapport à des régimes comparables au nôtre, le budget de la Justice est indécent, même si c’est plutôt mieux qu’avant…
Courageuse Christiane malgré tous les quolibets qu’elle peut recevoir !
Bel hommage…