
Il n’est pas vraiment rare qu’en lisant la presse le matin je m’énerve à propos des infos que j’y trouve. Il peut arriver que ce soit le traitement d’une information par un journaliste qui m’agace. Mais le plus souvent, ce sont les faits repris dans l’article qui me fichent en boule.
Ce fut le cas ce matin quand j’ai découvert le discours qu’a fait le chef du Medef, Pierre Gattaz, en ouvrant l’université d’été du mouvement patronal. Je laisse de côté le fond de son développement : c’est un discours de patron, donc sans surprise, qui exhorte le gouvernement à aller au bout de ses « réformes » (je mets le terme entre guillemets car son utilisation pour parler de choses qui ne sont grosso modo que des retours loin en arrière m’insupporte). Rien que de très banal : ce n’est donc pas ça qui a fait l’objet de mon ire.
C’est la forme que celui-ci a choisi pour faire le portrait de ce qu’il estime être le pays idéal. En effet, il n’a rien trouvé de mieux que de reprendre la tirade de Martin Luther King, Jr dans son discours du 28 août 1963 « I have a dream » prononcé à l’occasion du centenaire de l’abolition de l’esclavage, en pleine lutte pour une véritable liberté du peuple Noir et qui parle de son rêve d’égalité pour l’Amérique de demain. Sauf que son rêve a lui, Pierre Gataz, pour la France de demain, c’est une France confiante et influente, qui réforme le marché du travail, améliore les marges des entreprises, simplifie notre bureaucratie, combat pour la baisse du coût du travail… Pas de quoi se réveiller la nuit pour le commun des mortels. Quelle indécence !
Ce n’est pas la première fois que la formule est reprise, mais généralement, pour rester dans l’esprit du texte, c’est plutôt pour espérer des avancées sociales ou sociétales.
Ce matin, j’ai fait un cauchemar, celui d’un monde où les rêves seraient confisqués par les marchands de soupe…
Alors, pour mémoire, voici un extrait du fameux discours du Pasteur King, un discours qui rappelle les injustices de l’histoire et ressemble à un chant d’amour.
(…) Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “ Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux ”.
Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Georgie les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve qu’un jour, même l’Etat du Mississippi, un Etat où brûlent les feux de l’injustice et de l’oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice.
Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !
Je rêve qu’un jour, même en Alabama, avec ses abominables racistes, avec son gouverneur à la bouche pleine des mots “ opposition ” et “ annulation ” des lois fédérales, que là même en Alabama, un jour les petits garçons noirs et les petites filles blanches pourront se donner la main, comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve !
Je rêve qu’un jour toute la vallée sera relevée, toute colline et toute montagne seront rabaissées, les endroits escarpés seront aplanis et les chemins tortueux redressés, la gloire du Seigneur sera révélée à tout être fait de chair.
Telle est notre espérance. C’est la foi avec laquelle je retourne dans le Sud.
Avec cette foi, nous serons capables de distinguer dans la montagne du désespoir une pierre d’espérance. Avec cette foi, nous serons capables de transformer les discordes criardes de notre nation en une superbe symphonie de fraternité.
Avec cette foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de défendre la cause de la liberté ensemble, en sachant qu’un jour, nous serons libres. Ce sera le jour où tous les enfants de Dieu pourront chanter ces paroles qui auront alors un nouveau sens : “ Mon pays, c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante. Terre où sont morts mes pères, terre dont les pèlerins étaient fiers, que du flanc de chacune de tes montagnes, sonne la cloche de la liberté ! ” Et, si l’Amérique doit être une grande nation, que cela devienne vrai. (…)
P.S. À l’occasion d’un anniversaire de la mort de Martin Luther King, le 4 avril 2013, j’avais repris sur ce blog les différents lieux où j’étais allée, en Amérique, qui m’avaient permis de croiser la route de ce militant des droits civiques, de sa naissance à Atlanta à son assassinat à Memphis.
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