Encore sous le coup de l’intéressant dîner-débat de la veille, je décide dans la foulée et presque avec enthousiasme de suivre l’émission « A vous de juger » sur France 2 où ont été invités les représentants de huit listes présentes à l’élection européenne. Dire que j’ai été déçue relèverait d’un euphémisme d’une douceur inégalée.
L’émission débute. Premier constat : la liste des participants est pour le moins curieuse puisque, au lieu d’avoir uniquement des candidats, nous avons, pour les trois formations les plus importantes (lors de l’élection présidentielle), des chefs de partis non candidats à savoir Xavier Bertrand, Martine Aubry et François Bayrou. Mauvais signe : la logique partisane risque fort de l’emporter sur l’esprit européen.
La présentation de l’émission me laisse perplexe. Les candidats doivent d’abord intervenir dans le cadre de mini-débats à deux, et l’on comprend très vite comment France 2 a constitué les groupes. Martine Aubry et Xavier Bertrand (les deux poids lourds qui doivent le rester), Daniel Cohn-Bendit et François Bayrou (les plus « Européens », concurrents pour la troisième place), Olivier Besancenot et Jean-Luc Mélenchon (les deux prétendants au leadership de la gauche de la gauche), Marine Le Pen et Philippe de Villiers (en lice pour le titre du « plus facho que moi tu meurs »). A l’exception du premier couple – qui a sa propre spécificité – on a opposé les acteurs de l’élection qui jouent sur le même créneau.
Tous les invités ne sont pas tombés dans le piège qui leur était tendu. C’est le cas du couple Besancenot-Mélenchon : ils ont presque réussi à nous faire croire qu’arriver l’un avant l’autre n’avait aucune importance pour eux (Mélenchon en forme, Besancenot décontracté).
Que les deux extrémistes de droite s’attaquent entre eux et attaquent le gouvernement me laisse assez froide (d’ailleurs ils sont peu intervenus au début de l’émission et se sont rattrapés en éructant leur haine à qui mieux mieux vers la fin : j’ai encore en tête l’image d’un de Villiers hallucinant et plus halluciné que jamais). Mais que Daniel Cohn-Bendit (une vraie tête à claques ce soir) use de toutes les ficelles de la provocation pour réussir finalement à faire dire des choses assez inadmissibles à un François Bayrou (il sera meilleur par la suite), qui, lui, aurait dû être capable de l’éviter, m’a vraiment choquée. Et bien sûr ça lui a permis de communiquer dans le JT de France 3 sur le « pétage de plomb » du leader du MoDem. J’ai regretté le Cohn-Bendit de l’époque de la campagne sur le TCE : il était beaucoup plus convaincant.
Quand le débat, assez rapidement, est devenu général, les choses sont allées de mal en pis : il y avait longtemps que l’on n’avait pas eu droit à une telle cacophonie. J’ai failli plusieurs fois éteindre la télé. Je défie qui que ce soit d’avoir pu tirer un quelconque enseignement après cette émission : cela n’a pu que renforcer l’opinion de ceux qui ont décidé d’aller à la pêche dimanche, à supposer qu’ils n’aient pas été rejoints par quelques autres.
Dans tout ça, Martine Aubry a pu tirer son épingle du jeu en gardant la tête froide et en parvenant à développer les idées force de la campagne du PS. Xavier Bertrand, pour sa part, a fui le débat tout au long de la soirée, en contournant les questions et en n’hésitant pas à énoncer un certain nombre de contre vérités tout en faisant le dos rond face aux attaques de l’ensemble des autres invités, aidé en cela par une Arlette Chabot dont la « prestation » constitue sans doute le plus gros scandale de la soirée.
Deux interprétations possibles : ou bien elle est complètement nulle pour avoir laissé les choses ainsi dégénérer vers le pugilat avec l’expérience qu’elle est censée avoir et l’on se demande ce qu’elle fait encore là, ou bien elle a délibérément choisi cette stratégie pour ce qu’elle – et ses commanditaires – pense être le plus grand profit d’un camp qu’elle a depuis longtemps choisi. Je penche nettement pour cette deuxième hypothèse.
L’animatrice n’est jamais intervenue qu’à mauvais escient laissant les invités s’étriper tous ensemble sans rien dire ou si peu, et coupant par contre la parole dès que l’un d’eux développait une argumentation intéressante dans un calme d’autant plus appréciable qu’il était rare.
Je ne voudrais pas renforcer la paranoïa qu’on prête parfois à Bayrou ni tomber dans la victimisation, mais il me semble qu’il était le plus ciblé par cette attitude. Jusqu’à la présentation d’un sondage – le dernier de la campagne – en fin d’émission, selon lequel les listes d’Europe-Ecologie passeraient devant celles du MoDem, avec un temps de parole complaisamment long accordé au représentant de l’institut chargé du sondage commandité par la radiotélévision publique pour répondre à François Bayrou. Et avec, en toile de fond, l’image de la Une du Monde (qui publie le sondage) : « Européennes : Cohn-Bendit devant Bayrou le 7 juin ? ». C’est donc là que se situerait l’enjeu de l’élection ? Si même Le Monde s’y met…
Dominique (comme souvent) nous avons vu les choses (les mêmes) avec les mêmes lunettes.
Tout ce que tu dis est juste.
Quelques précisions personnelles :
Arlette Chabot ADORE ça. Elle crée l’indiscipline pour pouvoir la déplorer.
Bertrand n’avait pas d’autre choix. Il n’avait que des adversaires. C’était ça ou la justification systématique qui s’avère toujours non-productive. Je pense qu’il aurait même pu faire plus silencieux. Il y aurait gagné.
Mélenchon et Besançenot ont tenu le meilleur rôle qu’ils pouvaient tenir ; tu l’as dit.
Aubry, étrangement efficace (il faut dire que les autres l’ont ménagée)
Villiers et Le Pen dans leur rôle ; du brouhaha, du mouvement.
Restent nos deux héros de la soirée : Tu as raison sur la provoc (qui le rend parfois odieux comme un Mélenchon des mauvais jours) et le talent (qui le rend parfois sympathique comme un Tapie des bons jours) de Cohn-Bendit. Mais tout de même, Bayrou a été mauvais sur ce coup-là. Tout cela était prévisible et c’est lui qui commence. Bayrou y aurait gagné, hier soir, comme souvent ces temps-ci à reprendre son rôle « d’au-dessus de la mêlée ». Le Modem n’a pas perdu ma voix, ce serait ridicule, mais j’espère que son leader se calmera bientôt.
Deux excellents billets sur les européennes. Mes conclusions sont quelques peu différentes cependant, pour plusieurs raisons sans doute :
– je suis toujours au PS
– je vote dans la grande région ouest
Je suis toujours au PS parce que je ne militais pas activement en son sein lorsque j’étais à Nice. Ce qui m’a sans aucun doute épargné une exclusion imméritée. Depuis, j’ai déménagé et j’ai donc découvert une autre facette du PS, dans une région de gauche, un département de gauche et même une ville de gauche (Rennes).
Il est indéniable que cela a changé mon point de vue quant à ce parti qui me paraissait quelque peu repoussoir à Nice (ce qu’il ne cesse de prouver d’ailleurs). Et pourtant en abordant ces élections européennes, j’ai douté. Douté de la possibilité de mon parti à s’unir au moins dans les faits si ce n’est plus profondément, douté de sa capacité à rassembler.
La démarche du Front de Gauche m’apparaissait intéressante et je ne peux pas nier que j’ai longuement pesé mon choix. J’ai finalement choisi la tranquillité et milité pour le PS. Son programme me semble tout de même réaliste et ambitieux, malgré les partis sociaux démocrates européens que l’on sait peu enclins de nos jours à faire « plus de social ». Je suis aussi relativement terre à terre et je pense que seul le PSE a une chance de former une majorité de gauche qui sera en mesure et surtout qui aura la volonté de changer l’orientation de l’UE.
Bayrou aurait pu me tenter mais j’ai beaucoup de mal à penser qu’un homme qui a été ministre dans un gouvernement de droite et qui a fait à ce poste ce qu’il a fait puisse réellement avoir changé du tout au tout et être aujourd’hui de centre gauche. On a longtemps reproché au PS d’être trop mou au pouvoir et je suis persuadé que tant au niveau européen qu’au niveau national, « moins de libéralisme » ne suffira pas, mais qu’il faut « plus de social ».
Je n’ai pas des espoirs démesurés sur la capacité du PS à convaincre tous ses partenaires de la nécessité d’un programme vraiment à gauche mais je pense que M. Bayrou et ses alliés ne sont pas la solution alternative à l’UMP et au PPE.
En quelques mots concernant l’émission « A vous de juger », la configuration du plateau semblait prévu pour mettre la pagaille… les intervenants semblaient croire qu’il était nécessaire d’hurler pour se faire entendre des autres, l’énervement aidant cela n’arrangeait rien. Arlette Chabot semblait avoir la nette volonté de débattre avec les intervenants et incapable de gérer le débat. Bertrand menteur, on a l’habitude mais cela passe mieux à l’assemblée lorsque les députés n’ont pas le droit de réponse que sur un plateau face à des gens « réels » ; je partage également l’analyse globale des autres orateurs.
Je relèverais juste pour terminer qu’à la remarque juste à mon goût de Marine Le Pen sur le peu de temps d’intervention qu’elle avait eu, Arlette Chabot qui avait usé du temps de parole comme argument durant toute l’émission a fini par dire « on n’est pas dans une campagne présidentielle, il n’y a donc pas d’égalité de temps de parole » ce qui avait le mérite d’être clair et de la situer dans sa juste posture…
Jean
j’ai longtemps espéré un rapprochement d’une partie du ps avec le modem!, mais ces derniers temps la radicalisation de Bayrou, identique à celle d’une partie du ps me fait dire qu’il vaut mieux alors que les modéres du ps restent avec aubry! car changer pour reprendre la même chose, il n’y a aucun intérêt.
Je partage ton point de vue sur l’émission d’Arlette Chabot et je fais mienne ton analyse. Que dois-je faire ? M’abstenir, non car l’Europe ne mérite pas ça et je veux participer à sa consolidation, il faut que je choisisse entre le PS, les Verts ou le MoDem. La prestation de Martine Aubry, hier soir, était bonne, mais je n’oublie pas le débat interne sur l’Europe et donc ne peux approuver la présence de certains sur la liste PS. Ils ont parfaitement le droit de défendre leur idée de l’Europe mais ils ne peuvent en aucun cas, sur ce sujet, me représenter. J’ai hésité entre les Verts et le MoDem, leurs propositions sur l’Europe me conviennent. Je vais donc voter pour Jean-Luc BENHAMIAS qui est à la fois MoDem et Vert et je marquerai, ainsi, mon désir de voir se concrétiser une véritable alliance entre les Centristes, les Verts et les Socialistes.
Henri COTTALORDA
Surprenant cela; en vieillissant, je me sens plus radical ! Est-ce-que je vais en sens inverse des autres ? Ce n’est pas un calcul, mais c’est où va mon moi, pour ne pas dire mon cœur.
Alors, ma réflexion est pourquoi ?
Jeune, j’allais vers où militait mon père (Gaulliste)
Moyen, mes amis étaient communistes, je frondais mes collègues en acceptant que les « cocos » mettent l’huma dans mon casier en salle des profs où ostensiblement je le lisais
Vieux, je vais vers le Front de Gauche.
Ce serait donc la contestation qui m’anime ?
A propos de l’émission de Chabot, j’avais mis un commentaire chez Patrick, il n’est pas sorti ?
@ Christian, ton commentaire est maintenant sur le blog de Pat : il l’avait semble-t-il zappé…
Peut-être que ton orientation vers le Front de Gauche est le signe d’une nouvelle jeunesse ? 🙂
@ Dominique
L’orientation vers le front de gauche, signe d’une nouvelle jeunesse, c’est joli comme image.