
Mes concitoyens me plongent dans des abîmes de perplexité.
Chaque fois que je croise une connaissance ici ou là, c’est le même refrain : « Vous en pensez quoi, vous, de cette campagne ? ». Et avant que j’aie pu répondre, la sanction tombe : « C’est une catastrophe, les candidats ne s’intéressent pas aux vrais problèmes des gens… »
Pour être franche, ça commence à me barber. Cette campagne avait pourtant bien commencé. Oui, on a parlé des vrais problèmes, oui on a parlé de la crise, de la dette, du déficit, de l’Europe, des retraites, du pouvoir d’achat, du chômage… Certes, ce n’est guère rigolo d’entendre dire que, quoi qu’on fasse, demain on ne pourra pas raser gratis ! Hollande posait les vrais problèmes, Bayrou posait les vrais problèmes, ceux auxquels sera confronté le nouveau Président au lendemain de l’élection.
Et puis, patatras ! Sarkozy est entré dans la campagne : c’est sûr que sur ces questions-là, il n’avait pas grand-chose à dire car il aurait été obligé de parler de son bilan. Réorientation de la campagne : on se croirait en 2007, sus à l’insécurité ! Là-dessus, les drames malheureux de Toulouse et de Montauban arrivent pour lui à point nommé : il va pouvoir aller draguer encore un peu plus du côté de l’électorat du Front National et siphonner les voix de Marine Le Pen.
Et les médias de s’emballer, de jouer à fond le jeu du Président sortant, de parier sur la peur des gens : c’est que ça fait vendre du papier. Ceux qui trouvent la campagne pas intéressante ne sont pas les derniers à commenter, dans leur Café du commerce, les événements en question.
Le jeu des petites phrases repart à qui mieux mieux. On les reproche aux candidats, mais pourquoi les médias ne parlent-ils pas d’autre chose ? Non, les candidats ne font pas que des petites phrases : mais ce sont elles que la télé ou les journaux diffusent parce que ce sont elles qui plaisent à la plupart des gens même s’ils refusent de l’avouer. C’est sûr que c’est plus facile à retenir que les pages de programmes qui nous sont pourtant proposées, au moins par certains d’entre eux. Pour avoir personnellement lu celui de François Hollande, je le trouve sérieux, bien expliqué, financé, social, crédible. Il ne nous promet pas le grand soir ? Tant mieux ! Même si je connais moins les programmes des autres candidats, je sais qu’ils existent et j’ai pu prendre connaissance de leurs propositions les plus importantes. Si l’on souhaite vraiment s’informer, on y parvient : en ce domaine, à notre époque, quand on veut, on peut !
Un seul candidat semble trouver grâce aux yeux d’une certaine partie de l’opinion (même si dans sa très grande majorité, elle est encore loin de vouloir voter pour lui), c’est Jean-Luc Mélenchon. En effet, il pose de vrais problèmes, ces problèmes dont tout le monde dit qu’il faut en parler. Il n’est pas le seul à le faire, mais il a la voix qui porte. Donne-t-il pour autant les bonnes réponses ? Je suis loin d’en être convaincue : s’il est en capacité de faire rêver, ce n’est pas seulement parce qu’il a l’étoffe d’un tribun qui nous ramène quelques dizaines d’années en arrière, c’est parce qu’il dit ce qu’une partie de l’électorat a envie d’entendre. Qui, payé au SMIC, ne souhaiterait pas voir porter celui-ci à 1700 € ? Qui, avec les années qui passent, ne souhaiterait pas pouvoir partir à la retraite à 60 ans ? Qui, engoncé dans ses difficultés, ne serait pas enclin de faire des technocrates européens les boucs émissaires de tous ses maux ? Si Mélenchon peut faire rêver, c’est parce que, quoi qu’il en dise, il est suffisamment réaliste pour savoir qu’il n’aura pas à appliquer son projet politique. Par contre, il sait aussi que plus son résultat sera élevé, plus il sera en mesure de faire pression sur le candidat socialiste. Pour le programme, sans doute, mais aussi pour les élections législatives qui vont suivre et dont on ne souligne pas suffisamment l’importance.
C’est là une grande différence avec un François Bayrou qui, pour sa part, refuse de se positionner seulement en candidat : ses propositions sont aussi celles du Président de la République qu’il ne sera pas en mesure d’être (si l’on en croit les sondages). C’est peut-être à son honneur, mais son positionnement quelque peu dogmatique, dans un centre qui ne penche ni à droite ni à gauche et que la majorité des Français se refuse à soutenir, risque de priver le MoDem des quelques parlementaires qui lui permettrait de ne pas disparaître pendant tout un quinquennat.
Ce billet m’a conduit sans doute un peu plus loin que je n’en avais l’intention. C’était au départ un simple coup de gueule face à la morosité ambiante vis-à-vis d’une campagne présidentielle qui n’emballerait personne. Pour y revenir, et même s’il n’y a pas de raison d’exonérer l’ensemble des candidats de toute responsabilité, même si les médias jouent un rôle volontairement réducteur, je crois, quels qu’en soient les motifs, qu’il y a aussi une certaine paresse intellectuelle chez un trop grand nombre d’électeurs. J’en suis convaincue : quand on veut s’informer, on le peut. La démocratie ça se mérite.
P.S. Par souci de pluralisme, j’ai essayé, pour composer la photo en tête de ce billet, de récupérer une image du programme de Nicolas Sarkozy : sur son site, je n’ai même pas trouvé de programme. Peut-être n’en a-t-il pas ?
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