Combien de fois ai-je entendu les socialistes se plaindre des abus des dépenses de communication faites par les collectivités territoriales ? Souvent, trop souvent quand on voit qu’il a fallu que ce soit un député UMP de Lozère, Pierre Morel-A-L’huissier, qui pense à déposer une proposition de loi tendant à limiter ces dépenses.
Et en plus, il a à faire face à une bronca venue de toutes parts, les derniers n’étant pas les « spécialistes » de la communication publique (Cap’Com) qui, défendant leur beefsteak, se sont empressés de lancer une pétition – pardon, un « manifeste » (n’ayons pas peur des mots) – pour la défense du « service public de la communication publique » qui serait une « dimension essentielle de l’action publique » : le « Manifeste du 28 mars », rien que ça !
Cela me fait doucement rigoler quand on voit en quoi consiste, pour l’essentiel, cette communication des collectivités territoriales, toutes tendances confondues. Oser prétendre que l’objectif essentiel est l’information des citoyens, l’explication de mesures nouvelles est très loin de la vérité. Je ne dis pas que ce n’est jamais le cas… mais ça l’est très rarement. En règle générale, il s’agit, ni plus ni moins, de faire la pub des exécutifs en place à grand renfort de documents luxueux, remplis de photos, que presque personne ne lit. Je pense, par exemple, à ce journal de la Région PACA dont les exemplaires s’entassent à la fac jusqu’à ce qu’un membre du personnel finisse par avoir le bon goût de les faire disparaître après plusieurs semaines, parce qu’ils ne ramassent que la poussière). Je pense à « Nice Magazine » distribué dans toutes les boîtes aux lettres de la ville et dont au moins la moitié des pages est complètement inutile. Je pense à ces panneaux publicitaires qui accompagnent le moindre aménagement « Ici le Conseil général aménage… pour votre sécurité »…
Je salue l’initiative de ce député, même si je doute que sa proposition puisse aller bien loin : il y a trop d’intérêts en jeu pour qu’un tel texte soit voté par les parlementaires. En effet, étant donné qu’ils cumulent, pour beaucoup d’entre eux, leur mandat national avec un mandat exécutif local, il y a peu de chances qu’ils veuillent se priver d’un tel moyen de se faire mousser auprès de leurs électeurs.
Ce qui me désole, c’est que les excès de la communication publique me révoltent depuis des années et que j’aurais bien aimé que cette démarche vienne de députés de gauche. Ce serait ça, par exemple, faire de la politique autrement. D’ailleurs, lors de la dernière campagne municipale niçoise, le seul candidat tête de liste à avoir préconisé la division par deux des dépenses de communication de la ville pour contribuer au financement de son programme est Patrick Mottard. Comment s’en étonner ? Il y avait en face un Président de Conseil Général, un Maire sortant, un Vice-président de Conseil Régional. Pour eux, il était difficile d’avoir la même attitude…
Et le sommet, en matière de dépenses de communication, c’est la publicité dans la presse régionale : des pages entières dans Nice-Matin et même dans le Patriote (eh oui, on y trouve la pub du CR mais aussi du CG…). Une publicité au contenu informatif très limité qui pourrait – et qui est d’ailleurs – souvent traité dans du rédactionnel. Comment ne pas penser, sans pour autant avoir mauvais esprit, que tout cela n’est pas gratuit (dans tous les sens du terme) ?
Où est le bénéfice pour les citoyens ? On leur explique à quel point ils ont de la chance, à quel point ils sont heureux (il y a un côté « 1984 » dans tout ça) et on le fait avec leur argent.
En plus, il y a un manque total de transparence quant à la part de la Com dans les budgets des collectivités. Ne croyez pas que vous allez trouver un chapitre budgétaire qui regrouperait l’ensemble des dépenses de Com. Non, elles sont dispersées dans les différents budgets (une ligne par-ci, une ligne par-là), et il est très difficile de savoir in fine à combien elles se montent.
Alors, je ne sais pas si la limitation à 0,3 % du budget global des collectivités territoriales des dépenses de communication est un seuil opportun (c’est la proposition faite par Monsieur Pierre Morel-A-L’huissier), mais poser la question était une très bonne initiative. Dans un commentaire fait par un certain Victor sur le blog de Claudiogène, il y avait en lien le portail de la communication publique et territoriale annonçant le manifeste dont il était question plus haut et dans les commentaires des internautes, on pouvait lire à quel point ils trouvaient scandaleuse la proposition de loi de Monsieur Morel-etc. Et Victor de s’en étonner. Pour ma part, je doute très fort que ces internautes-là soient, comme ils voudraient le donner à penser, des citoyens lambda… Quel serait le contribuable satisfait de voir ses impôts partir en fumée ?
Pour conclure, je ne voudrais pas qu’on pense que je suis pour exclure toute dépense de communication des collectivités territoriales. Mais pour les limiter, sans aucun doute. Les limiter, par exemple, à des campagnes de prévention, à une vraie information utile, ou encore à des pubs dans les journaux locaux d’autres régions pour inciter les touristes à venir chez nous… Mais ça, c’est peu intéressant pour être réélu…
Rien à voir, mais autre coup de gueule ici.
Il importait que ce fut dit ! Et bien dit.
Excellent Dominique ! cela fait bien longtemps que je pense que toute cette « pub » devrait être imputée sur les comptes de campagne des élus. Quelle débauche de papier glacé et combien d’arbres abattus pour la réélection de tous ces médiocres qui nous gouvernent.
Anik
Anik scuse moi mais à moins d’avoir rien compris ce qui est fort possible, primo les frais de campagne sont remboursés, donc je vois pas l’intérêt de grossir la note, deuxio ces frais ne sont valables QUE pour les campagnes… là il est question je crois, de publicité perpétuelle et collective genre CG, CM etc…
[…] »Les limiter, par exemple, à des campagnes de prévention, à une vraie information utile, ou encore à des pubs dans les journaux locaux d’autres régions pour inciter les touristes à venir chez nous… » Tu plaisantes Domik !! comme tu le dis il y a bien trop d’enjeux, surtout financiers et surement pas économiques pour que de tels échanges se fassent… tu vois Estrosi dire au maire de la Neuville-en-tourne-à-fuy « mets une pub de ma ville dans ta prochaine publication et j’en fais autant moi ici »? sachant qu’ici c’est une destination qui a moins besoin d’être sollicitée… alors motiver les flux migratoires touristiques pour en faire profiter toutes les régions et en perdre le bénéfice (et le monopole)? surement pas !!
on pourrait y mettre des tonnes d’info pertinentes dans ces com publiques, des éditos sur les projets de loi ou lois récemment passées, d’autres pour instruire les citoyens sur leurs droits civiques mais tu comprends « Des hommes pourraient pousser en une armée éclairée qui germerait lentement dans les sillons des urnes, dérangeante pour les récoltes des siècles futurs, et dont la germination pourrait faire éclater ne béatitude pâmée si bien maitrisée. »
par contre, ce qui me parait difficile dans le projet de loi c’est que 0.3% du budget global de Paris bah c’est pas pareil qu’un 0.3% à la Souterraine… moralité les petites agglomérations seraient encore pénalisées…
Quelques précisions à propos des deux commentaires précédents.
1) Pour les frais de campagne, sont remboursés uniquement les apports personnels des candidats à concurrence de la moitié du plafond des dépenses autorisées. Donc, MultiPseud, les intégrer n’entraînerait pas le remboursement. Par contre, cela peut permettre de limiter le recours à ce type de procédés car, si on dépasse le plafond, on est invalidé… D’ailleurs, Anik, quand la pub institutionnelle fait la part trop belle à un candidat pendant la période de la campagne électorale, elle est effectivement réintégrée dans les dépenses de campagne (en fonction d’une certaine proportion) pour l’application de la règle du plafond.
2) MultiPseud, je ne parlais pas de faire la pub dans les documents institutionnels des autres régions ! Mais d’en faire dans la presse locale, ce qui arrive de temps en temps (tu n’as jamais vu dans Nice-Matin de la pub pour la Picardie ou le Nord-Pas-de-Calais ?). Cela pourrait servir l’économie locale (nos collectivités en font peut-être d’ailleurs, à dire vrai, je n’en sais rien). Quant aux infos sur les derniers textes de loi ou les grandes réformes, elles ne sont pas concernées par la proposition de loi du député Morel (et ce billet) : la loi émane, comme tu le sais, de l’Etat (pour faire simple), et la proposition concerne la Com des collectivités territoriales.
3) Quant au problème que cela poserait aux petites communes, il n’y a pas à s’inquiéter à cause du 0,3% : de toute façon le niveau de leur budget municipal ne leur permet pas d’avoir recours de façon significative à ce type de pratiques. Et quand elles sont besoin de faire de la pub pour tel ou tel événement précis qui les concerne, il y a les subventions (souvent généreuses) du Conseil général. D’ailleurs, l’initiateur de la proposition de loi est lui-même maire d’une toute petite commune (ou l’a été jusqu’à récemment).
Eternel débat, en tout cas, que celui qui confond communication et information…
Je travaille dans un CG… à la communication… et je partage tout à fait ce qui écrit ici. Le partisan et le « tout va bien » est souvent insupportable. Reste à définir ce qu’on entend par info utile…
J’ai en tout cas trouvé que l’idée du manifeste était trop vive pour être honnête 🙂 Trop corporatiste.
[…] »ou encore à des pubs dans les journaux locaux d’autres régions pour inciter les touristes à venir chez nous »… c’est à cette phrase que je faisais référence quand j’ai dit « mets une pub bla bla bla… »
j’ai jamais vu de pub dans niceMat, mais si c’était pour la Picardie, c’est normal…
Si je comprends bien, en fait ce sont des publications à caractère d’actualité sur la ville, dept et région?
Oh hé dis moi, ces petits vélos zarb là, tu sais ceux qui tournent dans le centre, qui sont couverts avec des couleurs acidulés verts et roses… sont pleins de pub du cg, ça fait partie aussi de frais dont tu parles ça alors?
Par contre, heu… (mode tête de fouine : ON) pourquoi tu dis que c’est pas top nice mag? j’aime bien moi… enfin si ça coute la peau du luc aux citoyens, j’aime déjà beaucoup moins, mais le contenu est pas mal je trouve…
Ha la communication, cette publicité, ce baume! Que penser d’une personne qui sans cesse vous répète « Je suis généreuse, tellement généreuse… » ou bien « Vous savez, je suis quelqu’un d’honnète! », ou « Je suis très travailleur! »…
Mon sentiment est que lorsque on a une qualité, l’afficher est l’abaisser, et à trop la répèter, on se demande finalement si c’est pas un manque qui s’affiche, et justement de cette qualité là!
Ici, le conseil ou la région ou je ne sais quel organisme investit pour moi, ok c’est bien mais finalement, pourquoi ici et seulement maintenant?
Je trouve le sujet intéressant et je comprends qu’il fasse débat, bien que cette réflexion ne soit pas assez portée sur la place publique. En effet, la communication fait appel à des techniques issues de la sociologie et de la psychologie, le but étant de convaincre en utilisant toutes les méthodes, quelles que soient leurs conséquences sur les esprits. Ces techniques ne laissent rien au hasard, la manipulation et la malhonnêteté n’étant pas toujours très loin. Informer nécessite de mettre en évidence l’ensemble des aspects d’un sujet afin qu’il soit abordé dans ses aspects positifs et négatifs, ses forces ou ses faiblesses : une problématique et son étude étant toujours plus complexe qu’il n’y paraît.
C’est bien d’une nouvelle gouvernance dont nous aurions besoin, tournée vers un citoyen enfin considéré adulte et pensant, une société plus respectueuse de l’autre, des gouvernants plus humbles et au service de leurs concitoyens, donc une gouvernance participative…Est-ce une utopie?
Ma réponse est oui, c’est une utopie. Pour faire avancer ce monde, il me semble que bien d’abyssales racines doivent être secouées et que bien des codes de type « Napoléon » doivent être refondus.
Nous sommes dans un monde ubuesque où la paperasse et ses protocoles nous étouffent, un peu comme dans le début du film « Le Sens de la Vie » des Monthy Python ».
Et tout d’abord où est le pouvoir, est il dans la politique qui fait de la politique ou dans la politique de l’argent? Mon viel ex-beau père disait : » Il y a trois pouvoirs: la franc-maçonnerie, la mafia, et Israël ». Je n’adhère pas à cette idée, mais j’ai la ferme conviction que ce que l’on nous montre est un miroir aux alouettes, avec des scénarii à plus ou moins grosses ficelles, comme la pub et la communication pub lique.