
Ce schéma a mis bien du temps pour être soumis aux conseillers généraux. Il a même fallu en modifier les dates : initialement prévu pour la période suivant immédiatement le précédent schéma (2011-2015), il est finalement programmé pour 2012-2016. Il a été voté ce jour en séance plénière du Conseil général 06 (pour un compte-rendu de séance, voir le blog de Patrick Mottard).
Il y a eu donc un peu de retard dans la procédure de réflexion et de consultation. Et ce n’est pas à cause des élus du CG puisque la concertation ne les a pas du tout concernés. C’est dommage car, je n’en doute pas, nombreux sont ceux qui auraient eu des choses à dire s’ils avaient été associés au processus.
Cela dit, j’ai pu noter avec satisfaction quelques avancées allant dans le sens des propositions que j’avais régulièrement faites lors de nos précédentes séances plénières ou commissions permanentes. Je pense notamment, s’agissant de l’hébergement en EHPAD, du passage de 20 à 30 % du nombre de lits habilités à l’aide sociale et de la prise de conscience de la nécessité de redéployer les établissements sur la zone littorale notamment à Nice. J’aurais l’occasion d’y revenir car, même de ce point de vue, tout n’est pas rose.
– La première partie du schéma (« Un dispositif départemental favorisant la prise en charge optimale de la perte d’autonomie ») fait en quelque sorte un état des lieux.
Cette partie est intéressante car elle permet d’avoir une vue assez précise de la situation actuelle en ce qui concerne le nombre de personnes âgées et celui des places en établissements d’hébergement avec leurs différentes formules. Parfois, il faut quand même un peu savoir lire entre les lignes (ou plutôt lire les notes précédées d’un astérisque…) : c’est ainsi qu’on peut constater que les nouveaux lits autorisés sous l’empire du précédent schéma sont loin d’être tous en fonctionnement (638 ouverts sur les 2308 autorisés) et que si leur ouverture est prévue pour l’horizon 2014 encore faudra-t-il que le financement par l’Etat au titre des soins suive, chose pour laquelle il n’y a aucune garantie. De ce point de vue, les chiffres qui sont donnés sont plutôt inquiétants (à ce jour, parmi les 18 EHPAD ayant bénéficié d’une autorisation conjointe de l’Etat et du Département dans le cadre du plan de relance, seuls 2 EHPAD, représentant 163 nouveaux lits, sont entièrement financés au titre des soins, et les 16 autres restent en attente de financements complémentaires pour un total de 803 nouveaux lits). Du coup, le tableau qui donne un ratio d’équipement des Alpes-Maritimes en la matière proche de la moyenne nationale est pour le moins trompeur… dans la mesure où une bonne part des équipements en question n’existe pas encore.
Le schéma fait également le constat de l’importance dans notre département des structures et des lits gérés par le privé lucratif qui rechigne toujours à proposer des lits habilités à l’aide sociale puisque sur les 6021 lits autorisés, seuls 563 lits le sont (même pas 10% malgré l’obligation faite aux nouvelles structures et aux extensions de prévoir 20% de lits habilités pour pouvoir bénéficier d’une autorisation). Bien sûr, au total, et si les projets seront bien réalisés, il y aura, en 2014, 48% de lits habilités à l’aide sociale. Encore convient-il de savoir où ces lits vont se situer géographiquement. Malheureusement, on ne trouve pas de tableaux permettant de se rendre compte de cette répartition, mais, tout le monde le sait, la grande majorité de ces lits se trouve dans le haut pays où les établissements à statut public sont majoritaires. La preuve en est que 67% des résidents des EHPAD du littoral sont des résidents de proximité alors que c’est le cas de seulement 38% d’entre eux dans les établissements du haut pays. Et si tellement de personnes âgées du littoral se retrouvent dans ces établissements éloignés de leur lieu de vie originaire et familial, c’est parce que les tarifs y sont plus abordables.
Toujours dans cette première partie, on rappelle les efforts faits pour promouvoir la bientraitance. Le bilan des contrôles qui ont été réalisés met en évidence que le principal problème soulevé par les plaintes dans les établissements (si l’on excepte le dysfonctionnement général) est, très nettement, celui de l’insuffisance du personnel. Compte tenu du contexte actuel, je me demande dans quelle mesure il pourra y être remédié… Et si on peut saluer une amélioration de la formation des métiers des services à la personne, le nombre de personnes concernées paraît nettement insuffisant par rapport aux besoins. Par ailleurs, s’agissant de la cellule départementale interinstitutionnelle de contrôle qui a été installée en décembre 2007, elle doit notamment élaborer un bilan annuel de ses actions en lien avec le CODERPA (comité départemental des personnes âgées) et les fédérations d’établissements. Où en est-on de ces bilans ? Ont-ils été faits ? On n’en sait rien… Dans le même sens, on attend avec impatience les résultats de l’enquête de la commission « éthique et droit » de l’Observatoire gérontologique départemental (ODEGAM) analysant le ressenti des personnes âgées quant à leurs droits et libertés, enquête initiée en 2009 dont le schéma annonce la publication prochaine.
– Dans la deuxième partie du schéma (« Un contexte en pleine évolution »), les chiffres confirment la progression dans notre région et notre département du nombre des personnes âgées (même si à l’horizon 2020, le nombre des plus de 60 ans serait inférieur à ceux de trois autres départements de la région PACA, c’est dans les Alpes-Maritimes qu’il y aura encore le plus de personnes âgées de plus de 75 ans) et la faiblesse de leur revenu médian (1270 € mensuel) par rapport à la moyenne nationale, liée de plus à une disparité plus grande entre les plus aisés et les plus démunis.
A propos de la loi HPST (loi pour la réforme de l’Hôpital et relative aux Patients, à la Santé et aux Territoires) du 21 juillet 2009, qui en mis en place les ARS (agences régionales de santé), on peut faire quelques remarques sur la nouvelle procédure d’autorisation des ESMS (établissements et services sociaux et médico-sociaux) par appels à projets. Cette nouvelle procédure peut-être une très bonne chose s’agissant des EHPAD dans la mesure où l’autorité publique (Etat et Conseil général) qui finance peut être amenée à prendre des initiatives. En effet, l’expérience de la commission ad hoc mise en place dans le cadre du dernier schéma et dont je faisais partie durant mon mandat a mis en évidence le rôle purement passif du Conseil général en se contentant d’autoriser les projets remplissant les conditions obligatoires, quels qu’ils soient, jusqu’à épuisement des moyens sans jamais impulser quoi que ce soit. La nouvelle procédure pourrait permettre d’initier des projets plus adaptés aux besoins de notre département et aux moyens de sa population. Malheureusement, le nouveau schéma ne prévoit pas de nouvelles ouvertures d’établissements compte tenu des contraintes budgétaires de l’assemblée départementale et de la Sécurité sociale.
– La troisième partie du schéma propose un certain nombre de « fiches actions » d’intérêt inégal avec quatre objectifs.
. Le premier objectif (« Valoriser la place des seniors dans la société ») comporte trois fiches dont les actions se chevauchent un peu : par exemple, on veut « promouvoir le rôle des seniors dans la société » dans la fiche 1 et « revaloriser la place des seniors » dans la fiche 2 ; ou encore les « inciter à participer à toutes formes d’activités » dans la fiche 1 et « encourager le développement des offres culturelles, physiques et sportives, de loisirs à destination des seniors » dans la fiche 3. D’ailleurs la première fiche ne me semble pas se justifier (« affirmer la citoyenneté des seniors ») dans la mesure où il s’agit d’un objectif qui devrait concerner l’ensemble de la population et alors que les seniors ne constituent vraisemblablement pas la partie de la population la plus éloignée de ce type de préoccupation…
. Le deuxième objectif (« Bien vivre à domicile ») consiste pour une grande part dans le développement d’une meilleure information des publics concernés (fiches 4, 5, 6). C’est une bonne chose dans la mesure où les différents dispositifs existants sont particulièrement complexes. Je ne suis cependant pas persuadée de l’efficacité des actions prévues pour les personnes les plus dépendantes, mais il est vrai que la tâche n’est pas simple.
La prévention de la dénutrition des personnes en perte d’autonomie et des affections bucco-dentaires (fiche 7) témoigne d’un souci méritoire. Mais les actions susceptibles d’être mises en œuvre vont se heurter le plus souvent au manque de moyens de nombreuses personnes âgées : comment bien se nourrir avec un pouvoir d’achat qui ne cesse de diminuer, comment avoir une bonne hygiène bucco-dentaire dans un département où, plus encore que dans le reste de la France, les professionnels pratiquent des dépassements exorbitants ?
L’adaptation de l’habitat – fiche 8 – prévoit de réserver dans les nouveaux programmes, des logements avec certains aménagements identifiés, aux personnes âgées. Il me semble qu’une grande partie de ces aménagements pourraient exister dans l’ensemble des logements (on pourrait d’ailleurs retrouver la même problématique pour le handicap).
Pour la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer vivant à domicile, le dispositif prévu par la fiche 9 me semble pour le moins vague sinon faible. En effet, les actions prévues sont les suivantes : « promouvoir le déploiement des Maisons pour l’Autonomie et l’Intégration des malades Alzheimer (MAIA) » et « initier et soutenir d’autres types de plates-formes de service (e-technologies…) » : c’est tout.
. S’agissant du troisième objectif (« Bien vivre en hébergement »), si l’on peut constater, comme je le disais en introduction, un progrès par la prise en compte de propositions que j’ai souvent faites relativement à l’implantation géographique et à des tarifs accessibles (fiche 11), l’absence de moyens dont il est fait état par ailleurs et donc l’absence de projets d’ouvertures de lits, rend le dispositif complètement inutile.
Pour le reste, permettre plus largement l’accès aux EHPAD des personnes âgées atteintes de troubles sensoriels est une nécessité (fiche 12). Mais, là encore, les actions ne semblent pas très volontaires (« engager une démarche auprès des EHPAD »).
Prendre en compte les besoins des personnes isolées ou en situation de précarité (fiche 13) est également un objectif louable. On aurait cependant souhaité un peu plus de précisions sur ce qui est envisagé. Les exemples donnés constituent des propositions intéressantes : les logements foyers, qui respectent l’indépendance des personnes âgées tout en leur fournissant des services adaptés ont fait leur preuve (et nous en manquons cruellement dans notre région), la maison d’accueil rurale, s’il s’agit d’une petite structure, peut aussi apporter un plus aux populations isolées du haut pays. Mais on aimerait avoir l’assurance qu’on ne va pas parquer les précaires et les plus démunis dans des établissements qui ne seraient que des hospices améliorés.
Enfin, s’agissant de l’accueil familial, il peut être la meilleure et la pire des choses. Au-delà de l’agrément des familles, il faudra mettre en place un contrôle efficace pour prévenir tout risque à l’encontre de personnes qui seront souvent en situation de très grande fragilité.
. Le quatrième objectif (« Promouvoir la qualité et l’innovation au service des seniors ») met l’accent sur la nécessité de formation de l’ensemble des personnels intervenants (fiche 18). On ne dira jamais à quel point celle-ci est essentielle. La création d’un Institut de formation est à priori une bonne chose encore qu’on manque un peu de précisions sur ce qu’il sera. La VAE (valorisation des acquis de l’expérience), c’est bien, mais il faudra bien en arriver un jour à une véritable professionnalisation de l’ensemble des métiers des services à la personne (avec diplôme…) : mais cela ne pourra se faire qu’au niveau national.
Enfin, notre région (comme notre pays) n’est pas très avancée en matière de soins palliatifs. Les actions prévues (fiche 20) sont donc les bienvenues. Il faudra penser à y associer les associations qui œuvrent en ce domaine avec l’aide de quelques bénévoles et qui n’ont pas toujours eu le soutien qu’elles auraient mérité.
Pour conclure, il y a de belles ambitions affichées par le schéma, il y a aussi des actions concrètes prévues. Mais il reste sur un certain nombre de points beaucoup trop vague et risque, surtout, de souffrir de la faiblesse des moyens que le département est prêt à y investir.
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