Photo Henri Cottalorda
Il m’a suffi de traverser l’avenue Borriglione en me dirigeant vers l’Université pour me retrouver dans le quartier Valrose. J’y viens souvent en voisine, tant j’apprécie le calme de ces petites rues tranquilles bordées de villas.
En ce dernier jour du mois de mai, les jardins luxuriants embaument, les fleurs débordent des barrières ou des murs et c’est avec un brin de nostalgie que je pense aux Mai de Valrose qui se déroulaient tout au fond de l’avenue Auguste Bercy sur le petit rond-point. Il porte le nom d’Etienne Mondino, fondateur du Comité de quartier, disparu depuis une vingtaine d’années. Je n’ai pu empêcher mes pas, une fois encore, de me conduire jusque-là. Mais j’en parlerai une autre fois…
Ce samedi 31 mai, je voulais me concentrer sur la Cité des Aveugles, située entre les avenues Maréchal Maunoury et Goldenberg-Garbowska. Vie extraordinaire que celle de Samuel Goldenberg, Américain résidant à Paris. Réchappé, avec son épouse, du naufrage du Titanic, il vient s’installer à Nice. Il perdra progressivement la vue avant de la recouvrer après avoir été soigné à l’hôpital Pasteur. Pour lui c’est un nouveau miracle. Sa femme repartie à New York, il fait la connaissance de la comtesse Edwiga Garbovska, qui avait été infirmière pendant la guerre et qu’il épousera en 1923. Tous deux sont à l’origine de la création de la Cité des Aveugles. Sam Goldenberg a respecté le vœu qu’il avait fait s’il recouvrait la vue : consacrer son temps et ses ressources à l’aide aux aveugles.
C’est ainsi qu’est née la Cité : seize villas construites sur des terrains cédés par la Ville au profit d’aveugles de guerre qui vivront et travailleront grâce à la générosité du couple.
Alors que je m’approchais du monument érigé en hommage aux aveugles de guerre situé au bout de l’avenue Maréchal Maunoury, je suis interpellé par une dame d’un certain âge mais d’une grande vivacité. Elle est dans le jardin d’une maison voisine. Elle me demande s’il va y avoir à nouveau une cérémonie au monument : « Avant, il y en avait toujours une, vers le mois de mai ou de juin ». Je ne peux l’éclairer… Nous commençons à parler de la Cité et, la conversation se prolongeant, elle m’invite à la poursuivre chez elle avec son mari et son fils. Ils ont acheté la maison en 1970 après avoir été exproprié de chez eux, à l’Ariane .« C’était pour faire la piscine, mais elle n’a même pas été construite sur notre terrain ! » Ils ont beaucoup regretté leur ancien quartier… et j’ai même le sentiment qu’ils le regrettent encore. Quand ils sont arrivés à Valrose, il y avait encore deux aveugles qui habitaient la Cité. Aujourd’hui il n’y a plus que des descendants.
Bien sûr, nous en arrivons à parler des problèmes du quartier. M. et Mme Lucien M. ne se plaignent pas trop, même s’ils sont gênés par les automobiles des étudiants qui viennent encombrer la rue toute la semaine. Ce qu’ils voudraient, surtout, c’est qu’on vienne nettoyer leur rue : depuis la réorganisation des services, il n’y a plus eu d’arrosage (je les informe qu’il en va de même pour la rue dans laquelle j’habite…). « Et puis ce grand palmier à côté (il est effectivement très haut) personne ne s’en occupe, il est en train de mourir ». Et il y a aussi des platanes, plus loin, qui ne sont jamais taillés. Je décide illico d’alerter la brigade verte et celle de la propreté.
Nous faisons ensuite la tournée du jardin. « C’est écologique chez nous, on n’utilise pas d’engrais ». Manifestement les plantes et les fleurs ne s’en plaignent pas, les agrumes non plus : il reste encore quelques pamplemousses, des citrons. Un beau cédratier croule sous les fruits et je partirai de là avec un plein panier. Mme. M. me donne également quelques boutures de misère et d’une plante grasse dont nous ignorons toutes deux le nom et qu’elle appelle des artichauts (il y a une très vague ressemblance). Le temps de prendre quelques photos devant l’entrée de la villa (la queue d’un merle dépasse du nid qu’il a construit au-dessus du portail), nous échangeons nos coordonnées et je prends la route du retour, en empruntant le chemin Bessi dont l’escalier me permet de rejoindre l’avenue de Brancolar.
En approchant de l’avenue du doyen Lépine (une vraie réussite que cette place aménagée lors des travaux du tram), je croise Gilles, le fils d’Eugène Mondino, qui se rend chez Christiane, sa mère. Elle vit rue Bercy (elle a longtemps présidé elle aussi le comité de quartier) et nous partageons, depuis longtemps, bien des valeurs. Je sonne régulièrement chez elle quand je passe par là. Aujourd’hui, je n’en ai pas eu le temps. Ce sera pour la prochaine fois. Pour bientôt.
J’ai aussi un peu la nostalgie de cette petite fête de quartier qui me faisait irrésistiblement penser à « Jour de fête » de Tati.
chaque Note que vous écrivez sur les quartiers me régale. Comme si chacun était un village et c’est ce que j’aime chercher dans les villes: LE VILLAGE.
Cela permet une vraie découverte, des lieux et aussi (et surtout) des gens.
Merci Louis-Paul. En fait, c’est ce que j’aime beaucoup à Nice : de nombreux quartiers ressemblent à des villages et les gens se connaissent et s’y rencontrent vraiment. ils ne font pas que se croiser.
C’est ce qu’on appelle faire « campagne » en « ville » ? (je plaisante, je plaisante)
Ca fait plaisir de découvrir des petits quartiers de Nice.
Trés belle photos, Bravo Henri !
🙂
Je proteste ! Quand je ne suis pas sur les photos, c’est souvent moi qui les ai prises ! Non mais !
@Claudio
On est d’humeur badine ?
Cette promenade a été pour moi un vrai retour dans les années 50 de mon enfance et j’ai revu les lieux de nos jeux et de nos exploits en particulier quand nous jouions aux aventuriers dans la forêt vierge du parc Valrose. J’ai aussi retrouvé dans ma mémoire un lieu historique qui a énormément compté pour tous les gosses du quartier et qui a aujourd’hui disparu : l’immense Portail noir du Parc Valrose ( pas celui de l’entrée actuelle de la Fac , mais celui qui se trouvait au croisement de Brancolar et de l’avenue Saint Lambert). Ce portail a servi , pour des générations de gamins, de but de foot et c’est là que Robert HERBIN, futur capitaine de l’équipe de FRANCE, a tapé pour la première fois dans un ballon et où moi je me prenais pour René VIGNAL ou François REMETTER.
@ Henri
Cette expérience t’a sans doute appris à arrêter les coups tordus 🙂
[…] » que ces derniers temps. Avec Valrose (où je fais découvrir à l’un de mes coéquipiers le monument en l’honneur des aveugles de guerre), Saint Lambert, la place Alexandre Médecin et son café, l’avenue Borriglione, puis, dans […]
Bonjour
J’ai vécu rue Bercy de 1965 à 1970, à une époque où le quartier ne ressemblait pas à ce qu’il est devenu; Auriez vous à tout hasard des photos de ce quartier à cette époque-là ?
par avance merci
Bonjour Langry,
Personnellement je n’ai pas de photos de cette époque, mais je vais demander à des amis qui en ont peut-être. Je vous tiens au courant.
ou puis je vous voir madame Mottard
À ma permanence du 10 avenue Cyrille Besset ou à la mairie. Il suffit de prendre rendez-vous (vous pouvez m’envoyer un mail à boymottard@free.fr)
Bonjour
Comme je l’ai écrit j’ai vécu dans ce quartier de la cité des aveugle au 6 avenue Auguste Bercy
Et ce de 1965 à 1970
J’avoue que si l’immeuble est devenu coquet – encore que – il était à l’époque tout délabré
Mes souvenirs de cette époque sont nombreux et précis
Ainsi là où stationnent les voitures étudiantes il y avait un quartier populaire maison et jardin avec des commerces traditionnels
En dessous de ce monument dédié aux aveugles de guerre il y avait un jardin où les gamins avaient l’habitude de se retrouver après la classe
J’ai commencé à saint Maurice
Puis en cp à saint Lambert et le reste à fuon cauda – à l’époque une rue aujourd’hui condamnée passait juste devant l’école : deux entrées séparées une pour les filles et une pour les garçons
Merci Langry pour ce nouveau témoignage.
Quel bonheur de me rapprocher au travers de vos photos, de ce quartier ou j’ ai habité durant 5 années…. Nostalgique..
Nous sommes encore 2 descendantes des aveugles a posséder la maison de notre ancêtre, dans la cité des aveugles.
Moi aussi je suis très intéressée par des photos du quartier, des commerces de l’avenue Valrose, du stade, du petit jardin, de la grotte…
Merci de vos réponses
Marie-Thérèse Maurel/dratz,
Merci pour votre intervention. J’en parle à mon ami Henri Cottalorda qui est une mine d’informations sur ce quartier qu’il connaît depuis son enfance.