Yann Codou, le conférencier, présenté par Jean-François Laperrousaz, vice-président du comité de quartier de Cimiez
Lors du dernier week-end du mois de mars, le Moyen Age était décidément à l’honneur à Cimiez.
En effet, avant de profiter de la reconstitution des combats de Normands et de la vie profane au XIe siècle au milieu des ruines du musée archéologique dans le cadre de « Mars aux Musées », j’ai pu assister à une nouvelle conférence organisée par le Comité de quartier de Cimiez – Rimiez – Scudéri – Brancolar dans le cadre des Rendez-vous de Cimiez portant sur « Les monastères et l’organisation de campagnes au Moyen Age dans le Sud-est de la France ». Nous étions, si je puis m’exprimer ainsi, en terre connue, puisque nous avions pu déjà profiter des lumières du conférencier du jour, Yann Codou, Maître de conférence en archéologie médiévale, qui nous avait alors fait découvrir la riche histoire du monastère de Saint-Pons.
Si le fait monastique apparaît à la fin du IVe siècle et se développe au début du Ve, avec, dans notre région, le Monastère de Lérins, on a peu d’informations sur la période carolingienne et c’est à partir du XIe siècle qu’on l’appréhende vraiment. Les moines sont en effet très présents dans les sources tant écrites qu’archéologiques. Les anciens monastères renaissent et de nouveaux se font jour. La règle bénédictine domine alors et les moines ne sont pas censés encadrer les populations laïques, tâche réservée au clergé séculier. Mais en fait, les moines, grands propriétaires terriens, sont omniprésents dans les campagnes comme en témoignent les actes reliés dans les Chartriers (Saint-Pons) ou recopiés dans les Cartulaires (Lérins).
L’origine des propriétés réside essentiellement dans les dons faits par les grands lignages aristocratiques. En effet, il arrive que les moines, disposant de ressources certaines, « prêtent » de l’argent à ces familles, mais comme le prêt et l’usure leur sont interdits, ils reçoivent en échange des propriétés sous forme de dons… Tout est dans la nuance… Mais il y a aussi des raisons plus spirituelles à ces dons qui profitent davantage au clergé régulier qu’au séculier car les monastères sont les lieux privilégiés de conservation des reliques des martyrs. Petite anecdote, alors qu’on approche du Festival international du film de Cannes : les martyres des saints sont symbolisés par une palme qu’ils tiennent à la main et cette palme, emblème de l’abbaye de Lérins, figure dans le blason de la ville. C’est cette palme d’or qui est remise chaque année au meilleur film présenté en compétition au festival. Cette version historique est nettement plus crédible que la légende, certes plus sportive, qui veut que lors de son arrivée aux Iles de Lérins, Saint-Honorat provoqua un raz-de-marée pour les nettoyer des serpents qui les envahissaient et se réfugia au sommet d’un palmier pour se protéger !
Mais revenons-en aux dons. Qu’espèrent donc leurs auteurs en échange ? Parfois des prières pour le défunt : les moines, bien organisés, conservent d’ailleurs le jour et le mois du décès dans les « rouleaux des morts » auxquels ils se réfèrent pour vérifier s’ils ont une messe à faire pour un donateur défunt. C’est ainsi, par exemple, qu’on trouve dans le chartrier de Saint-Pons un acte concernant le don fait par Miron et Odile au monastère (acte I, an 999). Mais le plus souvent, en échange du don, plus qu’une prière, on souhaite l’intercession du saint martyr auprès de Dieu pour que soient pardonnés les péchés du défunt : l’évêque Pons la demandera comme en témoigne le chartrier (acte VI, an 1030).
Les dons peuvent également se faire lorsque le cadet d’une famille entre au monastère ou encore quand, sentant venir la mort prochaine, on prend l’habit monastique. Le monastère de Lérins s’était d’ailleurs fait une spécialité de l’accueil des mourants, ce qui pouvait poser problème aux familles qui se voyaient complètement dépouillées. Les remises en cause sont fréquentes : pour les calmer, les moines leur donnent quelques piécettes ou vont les rencontrer sans oublier d’emporter les reliques avec eux sur lesquelles les récalcitrants doivent jurer que les terres sont bien à eux (comme ils ont peur, ils ne jurent pas…).
Au cours du XIe siècle, l’Eglise lance la réforme grégorienne qui va prendre de l’ampleur au milieu du siècle et permettre aux moines d’agrandir encore leurs domaines souvent au détriment des seigneurs démunis (ces derniers vont parfois donner des terres en échange de chevaux !). Les monastères prennent un côté « familial » : chaque grand lignage va faire « son » monastère.
Les moines vont se trouver en fait au cœur de la vie laïque. Ceux de notre région sont avant tout des gestionnaires : ils structurent les terroirs, participent à l’assèchement des marais pour mettre les terres en culture. En général, ils ne travaillent pas (pour ça, il faudra attendre les Cisterciens et les moines converts). Les villages, bornés par des clôtures ou par des croix (comme par exemple à la Madone des Prés à Levins), se créent non seulement autour des châteaux mais aussi autour des églises (Saint-Raphaël ou Saint-Tropez sont ainsi des villages ecclésiaux) : ces dernières sont attractives car elles offrent l’asile. Les moines assurent la protection des paysans contre l’aristocratie : les seigneurs sont tellement futés qu’ils attendront le XIIe siècle pour comprendre qu’il n’est pas très malin de brûler et piller leurs propres villages… Ils se concentreront alors sur ceux de leurs voisins.
Question rouerie, on a pu constater que les moines du Moyen Age, tels que nous les a décrits Yann Codou, faisaient preuve d’une certaine adresse leur permettant d’enrichir leur patrimoine terrestre. Ils ont d’ailleurs excité ma verve. C’est ainsi que plusieurs titres me sont venus à l’esprit pour ce billet. Voici ceux auxquels vous avez échappé : Un petit pas pour le paradis, un grand don pour les moines, ou encore Le racket céleste, et enfin Droit de péage pour le paradis (ou quand les moines se prennent pour Escota).
Ces titres ne sont peut-être pas très respectueux, je vous l’accorde, mais ils témoignent quand même d’une certaine admiration. Bravo les artistes !
Liens vers les comptes-rendus des précédentes conférences :
Sur la préhistoire
Le comité explore le temps
Sur le projet de restauration du site Cimiez
La restauration programmée de Cemenelum
Sur l’origine médiévale de l’abbaye de Saint Pons
Quand Saint Pons occupait Cimiez
Sur la création et l’évolution de la province des Alpes-Maritimes
L’origine des Alpes-Maritimes
Sur Cemenelum, une cité romaine et mérovingienne éphémère
La nouvelle datation des espaces de Cemenelum
Sur l’histoire médiévale de Nice
Et Nice prit son envol…
Sur les origines du monde
L’ALH84001 s’invite aux Rendez-vous avec Cimiez
L’ ALH84001 s’invite aux Rendez-vous avec Cimiez
Posted in Histoire, Quartiers 7e canton, tagged Alexandre Meinesz, Bactéries, Comment la vie a commencé, Rendez-vous avec Cimiez on 6 février 2010| 3 Comments »
L’avant-dernière conférence organisée par le comité de quartier de Cimiez-Rimiez-Scudéri-Brancolar-Cdt Gérôme, dans le cadre des Rendez-vous avec Cimiez, avait été consacrée au cimetière de la colline et à ses sépultures.
La dernière, qui s’est tenue le 22 janvier, a plongé les participants aux sources de la vie puisque l’invité en était le Professeur Alexandre Meinesz qui a repris, pour les auditeurs présents, sa synthèse, à partir des découvertes les plus récentes, sur l’apparition de la vie sur Terre, développée dans son ouvrage Comment la vie a commencé. On s’éloignait ce soir-là un peu de l’histoire du quartier, encore que certains habitants, parmi les plus audacieux, n’hésitaient pas à dire que… après tout… pourquoi pas… la vie avait peut être bel et bien commencé à Cimiez !
Le conférencier a surpris, dès le départ, son auditoire en mettant en place, sur toute la largeur de la scène du CEDAC, un fil sur lequel il épingla des feuilles de papier signalant les grandes étapes de l’apparition de la vie sur notre planète. Cette « ficelle de l’évolution » comme il l’appelait, nous a permis de constater qu’à l’échelle de l’histoire de la Terre, l’apparition de l’Homme, il y a 7 millions d’années, et la disparition des dinosaures, il y a 65 millions d’années, relevaient quasiment de l’époque contemporaine, regroupées qu’elles étaient au bout de la ficelle ! Il faut dire que celle-ci commençait, à l’autre extrémité, il y a quelque 4,65 milliards d’années…
Durant son exposé, le Pr Meinesz mit en avant trois origines qui, dans l’évolution, ont présidé à la création du vivant (son ouvrage est d’ailleurs sous-titré Les trois genèses du vivant) : l’apparition des premières bactéries, puis celle des cellules avec noyau, et enfin celle des organismes pluricellulaires (qu’on peut voir à l’œil nu).
La première genèse nous fait donc remonter aux origines de la vie. Pour faire le point sur les découvertes les plus récentes, le conférencier pose trois questions : comment la vie et-elle apparue ? quand ? et où ?
Difficile aussi de dater cette apparition de la vie. A l’aide de la géotechnologie, on peut découvrir les premières traces du vivant à 3,8 milliards d’années. Mais, là encore, il y a des contestations… Ce qui est sûr c’est que les bactéries en tout genre se sont rapidement multipliées).
Pour autant, les bactéries originaires sont toujours là…
Si vous avez envie d’en savoir plus (et surtout mieux !), vous pouvez lire le livre d’Alexandre Meinesz, paru en septembre 2008 aux éditions Belin, pour la science. Sur ces questions complexes, l’auteur reconnaît avoir été aidé par l’observation du tableau de Vermeer, L’Astronome. Je vous recommande vivement de « l’écouter » en parler dans son avant-propos.
P.S. Le 22 janvier étant aussi la date de mon anniversaire, le comité m’avait réservé une agréable surprise. Qu’ils en soient ici publiquement remerciés.
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