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Posts Tagged ‘Recours en révision’

arbitreÇa y est : depuis quelques jours, l’Etat est décidé à tenter d’anéantir la sentence intervenue suite à l’arbitrage dans l’affaire qui a opposé Tapie au Crédit Lyonnais, sentence qui avait fort largement indemnisé l’homme d’affaires.

Aujourd’hui, compte tenu de tout ce qui est en train de nous être révélé et qui témoigne des petits arrangements (je sais, le terme est faible…) entre amis au plus haut niveau de l’État, il est difficile de ne pas être scandalisé par ce qui s’est passé et qui s’est fait sur le dos du contribuable.

Ce qui est atterrant, c’est que cette affaire ait pu être étouffée pendant si longtemps, et que si les mêmes que ceux qui sont si compromis étaient restés à la tête de l’État, on n’en saurait toujours rien.

À l’époque, relativement peu de voix s’étaient élevées pour contester tant la procédure retenue que la décision d’indemnisation, une décision qui faisait quasiment passer Bernard Tapie pour une victime injustement accusée et condamnée puisqu’il se trouvait indemnisé dans des proportions extrêmement importantes. La somme (plus de 400 millions d’euros tout de même) faisait bien un peu tiquer, mais on ne se doutait pas que tout était miné à la base.

On sait aujourd’hui que cet arbitrage était faussé dès l’origine par la présence, au sein du tribunal arbitral, de Pierre Estoup, qui connaissait Tapie et son avocat (ils avaient notamment participé à de nombreuses reprises à des arbitrages communs et n’auraient jamais dû se retrouver dans la même affaire). Bien sûr, il y avait deux autres arbitres, mais, de son aveu même, Pierre Mazeaud était novice en matière d’arbitrage, quant à Jean-Denis Bredin, grand spécialiste de ces questions, il avait de graves problèmes de santé. Tous deux s’en sont donc remis à Pierre Estoup qui a décidé pratiquement tout seul. On comprend mieux…

Comment se fait-il que rien de tout cela n’ait été mis en évidence au moment où la décision a été prise ? En effet, il y a eu finalement assez peu de réactions tant sur la décision de recourir à l’arbitrage que sur la sentence arbitrale elle-même.

Sur le choix d’avoir recours à l’arbitrage, même si rien légalement n’empêchait une telle procédure, ce choix de Christine Lagarde aurait dû susciter un plus grand étonnement et provoquer davantage de questions. Des intérêts publics étant en jeu, une procédure classique aurait apporté plus de garanties et, en tout état de cause, plus de transparence du fait de la publicité des débats. D’autre part, une fois la sentence prononcée, il n’y eut pas vraiment de suspicion alors qu’on aurait pu au moins s’interroger sur ce qui avait pu faire pencher la balance à ce point en faveur de Tapie et, ensuite, sur le fait que l’État avait décidé, malgré cela, de ne pas faire de recours en annulation.

C’est surtout surprenant de la part des médias qui sont restés plus que modérés sur le sujet.

En lui témoignant un peu plus d’intérêt, ils auraient peut-être pu apprendre qu’un certain nombre de personnes indépendantes qui avaient été consultées étaient contre l’arbitrage ou, après la sentence, pour un recours en annulation, et l’avaient nettement exprimé. C’était le cas des membres du Conseil d’administration du CDR (Consortium de réalisation, organisme créé par l’État et chargé de liquider le passif du Crédit Lyonnais), de la Caisse des dépôts, de l’APE (Agence des participations de l’État).

Ils auraient peut-être également pu avoir vent des nombreuses pressions qui avaient été exercées notamment par Stéphane Richard, directeur de cabinet de Christine Lagarde, auprès des instances appelées à se prononcer sur le recours à la procédure d’arbitrage.

Aujourd’hui, l’unique recours possible contre la sentence arbitrale est la demande de révision, puisque le recours en annulation n’est ouvert que pendant un délai de deux mois après la sentence. Seules les parties au procès (ou, en l’occurrence, à l’arbitrage) peuvent agir en révision : l’État n’était pas directement partie, c’est le CDR (lié à l’État) qui était opposé à Bernard Tapie. C’est un recours exceptionnel, qui n’est pas spécifique à la procédure d’arbitrage et qui est soumis à des conditions très restrictives (comme devant les juridictions judiciaires). Il faut apporter la preuve d’un élément nouveau montrant que l’arbitrage a été rendu dans des conditions frauduleuses.

Les mises en examen actuelles serviront de point d’appui, mais il faudra des éléments très précis pour que le recours soit efficace. C’est pourquoi, le gouvernement attend le plus longtemps possible pour avoir suffisamment d’arguments. Mais, en même temps, il ne doit pas trop tarder : le délai pour agir est de deux mois à compter de la révélation des faits nouveaux (tout dépendra des faits sur lesquels il s’appuiera pour demander la révision).

Cela dit, ce n’est pas le seul procès qui va avoir lieu. Il est évident que de nombreuses personnes vont se retrouver au pénal pour leur participation à cette affaire. Tapie, certes, mais aussi tous les politiques ou leurs adjoints mis en examen. Nul doute que Guéant va devoir répondre des graves accusations portées contre lui.

Les allégations contre l’ancien chef de l’État se font de plus en plus précises. Bien sûr, Nicolas Sarkozy ne pourra pas être inquiété sur ce qu’il a pu faire pendant sa présidence. Mais, il avait commencé à pousser à une médiation dès 2004 : et, à cette époque-là, il était ministre des Finances… sans immunité.

Homme de foot habitué aux tribunes du stade Vélodrome, Bernard Tapie ne sera pas choqué par le titre quelque peu trivial de mon billet. Par contre, il serait sans doute plus déstabilisé si on lui demandait ce qui a bien pu provoquer une telle complaisance à son endroit. Je ne sais pas vous, mais moi c’est une question qui me turlupine : pourquoi ? Oui, pourquoi Nicolas Sarkozy s’est-il montré aussi empressé à aider l’homme d’affaires ?

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