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Posts Tagged ‘Raymond Boy’

Aujourd’hui, c’est avec un peu de nostalgie que nous avons participé au dernier déjeuner qui a été servi aux Palmiers, ce restaurant si cher à mon coeur de la famille Bigotti, situé au nord du Vallon-des-Fleurs.

Comme le commentait un ami, c’est sans doute le seul lieu où se regroupent pêle-mêle souvenirs familiaux, amicaux, politiques…

Combien de mariages, d’anniversaires, d’anniversaires de mariage… y avons-nous fêtés depuis mon enfance où je courrais sur la terrasse ensoleillée avec mes soeurs ? Je ne les compte plus mais je repense avec émotion aux 80 ans de Raymond, mon père, aux 90 ans de Thérèse, ma mère, et ceux d’Édith, ma belle-mère. À mes 50 ans aussi, où Patrick m’avait fait la surprise de réunir famille et amis (ils étaient 50 !) pour une soirée mémorable.

Je repense aussi à ces belles soirées organisées chaque année à l’occasion de l’Assemblée générale du « Club des supporters » par notre ami, le président José Boetto, voisin des lieux (voir, par exemple, mon billet du 27 avril 2010).

Restaurant situé dans le 7e canton – « mon canton » jusqu’en 2011 – j’y ai organisé avec mes fidèles compagnons (Henri, Gérard, Lulu) de nombreuses réunions de campagne (voir mon billet du 16 mars 2011), des fêtes pour les victoires électorales, des galettes des rois pour les voeux (mon billet du 20 janvier 2010). L’accueil chaleureux de Georges et Gisèle Bigotti ne s’est jamais démenti. La qualité des mets servis aussi.

Alors j’ai voulu ce jour y aller pour la dernière fois, comme nombre d’habitués. Au café, Jacky et Gigi Mony sont venus nous rejoindre en voisins. Et d’évoquer le passé : « ça fait drôle quand même » de penser que dans quelque temps, le restaurant aura disparu. La douceur des souvenirs atténue l’amertume.

Tout le petit quartier des avenues Henri Musso et des Palmiers, du chemin des Jarres, est en train de changer depuis une dizaine d’années. Les immeubles remplacent progressivement les anciennes maisons de famille. La destruction du restaurant sera le coup de grâce…

Alors j’ai voulu, par ces quelques photos piochées un peu au hasard faire revivre quelques-uns de ces souvenirs et les partager avec vous.

Voir sur ce thème le billet de Patrick Mottard

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En ce 11 novembre où l’on commémore l’armistice de 1918, j’ai eu envie de reprendre ce billet écrit ici même le 13 mars 2008. Seule la photo de Victor et de Blanche est nouvelle ici.

Victor et Blanche BoyVictor aurait eu 110 ans quand, à côté de mon père, j’ai lu son nom sur la plaque de l’une des si nombreuses croix du cimetière militaire de Suippes.

Drôle de sensation de voir un fils de 80 ans pleurer sur la tombe d’un père de 31 ans.

Ce fils a porté cette blessure en lui toute sa vie. Quoi de pire que l’absence d’un père qu’on n’a jamais connu si ce n’est au travers de photos jaunies et du souvenir entretenu par une mère qui se retrouvait veuve à vingt-trois ans ? Victor est mort peu après sa blessure dans les Dardanelles et son rapatriement en France par le navire-hôpital le Duguay-Trouin en provenance de Salonique. Sur une carte envoyée du bateau et écrite au crayon gris, il faisait part de son impatience de revoir sa Blanche, sa Blanchette, et de serrer enfin dans ses bras ce petit Raymond qui leur était né dix mois plus tôt. Il n’en aura pas eu le temps.

Deux années de guerre, deux années d’horreur : et pourtant rien ne transparaissait jamais dans les brefs messages qui sont parvenus régulièrement à Blanche. Toujours cette même inquiétude pour la jeune femme restée seule au pays. «Pour moi, tout va bien, mais je me fais du souci pour toi».

Pourquoi, dans toutes les lettres écrites par ces hommes envoyés au combat, n’y avait-il jamais une plainte, jamais un mot qui aurait pu faire comprendre l’horreur de ce qu’ils vivaient si loin de chez eux ? Censure ? Peut-être. Pudeur ? Sans aucun doute. Parce qu’ils n’en ont pas plus parlé à leur retour qu’ils ne l’ont fait durant leurs trop rares permissions. Ils auraient eu honte de se plaindre, eux, les hommes, accueillis tels des héros, surtout s’ils rentraient avec un bras ou une jambe en moins, ou avec la gueule cassée. Comment dès lors dire la peur qui les tenaillait au ventre ? Un héros, ça n’a pas peur : même leurs proches n’auraient pas aimé ça. Dans mon enfance, j’en ai connu plusieurs des hommes de ma famille qui avaient fait la Grande Guerre. Aucun d’eux ne m’a jamais dit ce qu’il avait vécu. Il est vrai que cette guerre était terminée depuis longtemps, et qu’une autre, avec son propre cortège de malheurs, l’avait fait oublier. Il en est allé d’ailleurs de même pour les déportés qui ont survécu aux camps de concentration : dans un premier temps, ils ont peu raconté. Sans doute avaient-ils eux aussi compris qu’ils n’étaient pas très nombreux ceux qui avaient envie de les entendre. Comme si nos sociétés éprouvaient le besoin de jeter un voile sur ce que certains comportements révèlent de la nature humaine.

Aujourd’hui encore, je suis remplie de colère quand je pense à ces généraux qui ne voyaient dans ces soldats envoyés au front que de la chair à canon, je suis remplie de colère quand je pense à l’assassinat de ces jeunes gens qui ont eu le courage de résister aux ordres en refusant de partir à l’assaut et de quitter la tranchée une fois de plus. J’enrage de me dire que ceux qui ne les considéraient que comme des pions sur un échiquier ont été fêtés parce qu’ils avaient gagné la guerre. Quelle victoire ?

Alors quand j’ai lu, hier, que Lazare Ponticelli, le dernier Poilu, venait de mourir à l’âge de 110 ans, j’ai pensé à toutes ces vies brisées, à tous ces noms sur les monuments aux morts partout en Europe. J’ai pensé à Victor, mon grand-père, éternel jeune homme de 31 ans, j’ai pensé à son fils de 80 ans et à mon bras passé autour de son cou, pour tenter, en vain, de lui enlever un peu de sa peine, quand nous étions penchés sur sa tombe. Et j’ai pleuré. De colère.

Victor Boy est né le 2 mai 1885 et est mort le 29 août 1916. Sa dernière carte envoyée à son épouse, Blanche Cériché, est datée du 16 juillet 1916 et a été écrite sur le navire-hôpital le Duguay-Trouin. Il n’a jamais rencontré son fils, Raymond Boy, né le 14 octobre 1915.


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Thérèse et RaymondThérèse et Raymond à la fin des années 70

Mes parents étaient déjà aux portes de la retraite et moi à celles de la vie active quand ils décidèrent d’acheter, en 1975, une résidence secondaire. Ils y avaient déjà pensé (surtout Thérèse), mais la décision se précipita lors du décès de mon grand-père maternel : en effet, puisqu’il était hors de question de se séparer du mobilier familial, il a bien fallu trouver une maison pour l’utiliser… Leur choix se porta assez naturellement sur un village de la vallée de La Tinée, vallée que nous connaissions bien. C’est ainsi qu’ils firent l’acquisition, à Roussillon, d’une maison de campagne qui avait l’avantage d’avoir un très grand jardin devant permettre à Thérèse de satisfaire ses envies de citadine jusqu’alors frustrée de retour à la terre.

Nous avions tort d’être sceptiques : alors même qu’elle n’y vivait que très épisodiquement, elle réussit à faire pousser haricots verts, tomates et autres salades qui, comme il se doit, furent les meilleurs que nous n’avions jamais dégustés. Même si cette production que nous devions manger au fil des saisons pouvait parfois lasser… Ainsi son chef-d’œuvre, la courgette trompette, produite en abondance par une terre généreuse, agrémentait tous les repas des différents membres de la famille pendant quelques semaines : nous la soumettions à toutes les recettes que nous pouvions imaginer…

Au fil des années, les pièces habillées par le mobilier de mon grand-père, la toiture réparée par mon père, le jardin durement travaillé par ma mère, … le barbecue utilisé par mon frère, ont toutefois peu à peu transformé cette résidence secondaire en maison de famille.

Et les souvenirs, presque toujours heureux, se sont accumulés. La maison a même acquis une dimension internationale… et du coup le village aussi. Il faut entendre notre ami Israélien, David, parler de la fête des châtaignes de Roussillon comme d’un événement semblable au moins au carnaval de Rio ! Même admiration pour nos amis bulgares, australiens ou italiens qui nous demandent régulièrement des nouvelles… du pays !

J’ai passé récemment quelques jours avec Thérèse binant durement le jardin, taillant les haies, passant la tondeuse… Dans la douceur de juillet, j’avais vraiment le sentiment d’être chez moi telle une châtelaine de saga de l’été sur TF1 !

Comme quoi, le sang n’a rien à voir avec l’attachement à un lieu. Seul l’amour compte.

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Victor aurait eu 110 ans quand, à côté de mon père, j’ai lu son nom sur la plaque de l’une des si nombreuses croix du cimetière militaire de Suippes.

Drôle de sensation de voir un fils de 80 ans pleurer sur la tombe d’un père de 31 ans.

Ce fils a porté cette blessure en lui toute sa vie. Quoi de pire que l’absence d’un père qu’on n’a jamais connu si ce n’est au travers de photos jaunies et du souvenir entretenu par une mère qui se retrouvait veuve à vingt-trois ans ? Victor est mort peu après sa blessure dans les Dardanelles et son rapatriement en France par le navire-hôpital le Duguay-Trouin en provenance de Salonique. Sur une carte envoyée du bateau et écrite au crayon gris, il faisait part de son impatience de revoir sa Blanche, sa Blanchette, et de serrer enfin dans ses bras ce petit Raymond qui leur était né dix mois plus tôt. Il n’en aura pas eu le temps.

Deux années de guerre, deux années d’horreur : et pourtant rien ne transparaissait jamais dans les brefs messages qui sont parvenus régulièrement à Blanche. Toujours cette même inquiétude pour la jeune femme restée seule au pays. «Pour moi, tout va bien, mais je me fais du souci pour toi».

Pourquoi, dans toutes les lettres écrites par ces hommes envoyés au combat, n’y avait-il jamais une plainte, jamais un mot qui aurait pu faire comprendre l’horreur de ce qu’ils vivaient si loin de chez eux ? Censure ? Peut-être. Pudeur ? Sans aucun doute. Parce qu’ils n’en ont pas plus parlé à leur retour qu’ils ne l’ont fait durant leurs trop rares permissions. Ils auraient eu honte de se plaindre, eux, les hommes, accueillis tels des héros, surtout s’ils rentraient avec un bras ou une jambe en moins, ou avec la gueule cassée. Comment dès lors dire la peur qui les tenaillait au ventre ? Un héros, ça n’a pas peur : même leurs proches n’auraient pas aimé ça. Dans mon enfance, j’en ai connu plusieurs des hommes de ma famille qui avaient fait la Grande Guerre. Aucun d’eux ne m’a jamais dit ce qu’il avait vécu. Il est vrai que cette guerre était terminée depuis longtemps, et qu’une autre, avec son propre cortège de malheurs, l’avait fait oublier. Il en est allé d’ailleurs de même pour les déportés qui ont survécu aux camps de concentration : dans un premier temps, ils ont peu raconté. Sans doute avaient-ils eux aussi compris qu’ils n’étaient pas très nombreux ceux qui avaient envie de les entendre. Comme si nos sociétés éprouvaient le besoin de jeter un voile sur ce que certains comportements révèlent de la nature humaine.

Aujourd’hui encore, je suis remplie de colère quand je pense à ces généraux qui ne voyaient dans ces soldats envoyés au front que de la chair à canon, je suis remplie de colère quand je pense à l’assassinat de ces jeunes gens qui ont eu le courage de résister aux ordres en refusant de partir à l’assaut et de quitter la tranchée une fois de plus. J’enrage de me dire que ceux qui ne les considéraient que comme des pions sur un échiquier ont été fêtés parce qu’ils avaient gagné la guerre. Quelle victoire ?

Alors quand j’ai lu, hier, que Lazare Ponticelli, le dernier Poilu, venait de mourir à l’âge de 110 ans, j’ai pensé à toutes ces vies brisées, à tous ces noms sur les monuments aux morts partout en Europe. J’ai pensé à Victor, mon grand-père, éternel jeune homme de 31 ans, j’ai pensé à son fils de 80 ans et à mon bras passé autour de son cou, pour tenter, en vain, de lui enlever un peu de sa peine, quand nous étions penchés sur sa tombe. Et j’ai pleuré. De colère.

Victor Boy est né le 2 mai 1885 et est mort le 29 août 1916. Sa dernière carte envoyée à son épouse, Blanche Cériché, est datée du 16 juillet 1916 et a été écrite sur le navire-hôpital le Duguay-Trouin. Il n’a jamais rencontré son fils, Raymond Boy, né le 14 octobre 1915.

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