Suite à la publication du rapport Léger sur la réforme de la procédure pénale, je m’apprêtais à faire un billet pour dire tout le mal que j’en pensais. Et puis je me suis souvenue que j’avais déjà évoqué la question en début d’année après les déclarations du Président de la République. Je suis donc allé le relire.
Bien m’en a pris : cela va m’économiser quelques lignes. Le rapport reprend tellement ce qui avait été annoncé par Nicolas Sarkozy (Philippe Léger est aussi indépendant que les membres du Parquet, ce qui est somme toute normal pour un ancien avocat général…) que je ne pourrais que faire les mêmes remarques. A une nuance près : le magistrat du siège censé autoriser les principaux actes de procédure portera le nom de « juge de l’enquête et des libertés » et non de « juge de l’instruction » comme annoncé par le chef de l’Etat. Quelle manifestation d’indépendance !
Pour le reste, tout ce qu’on pouvait craindre se trouve écrit noir sur blanc, tout en restant assez superficiel, avec un certain flou artistique quand il s’agit de parler des garanties données à la défense.
Conclusion : si la réforme voit le jour, personne ne sera plus là pour obliger le Parquet à conduire avec le zèle nécessaire les affaires dites sensibles (affaires politico-financières) qu’il sera très facile d’enterrer. C’est dans le plus grand arbitraire que cela sera fait ou pas. Et, par ailleurs, le procès pénal deviendra « la chose » des parties, à savoir le ministère public et la partie civile d’un côté, et la défense de l’autre : seuls les accusés qui auront vraiment la possibilité d’avoir recours à de grands cabinets d’avocats – à moins d’augmenter considérablement l’aide juridictionnelle – pourront jouer à armes égales avec les importants moyens dont dispose le Parquet. Le Président ne sera plus là que pour arbitrer les conflits de procédure qui n’auront pas été résolus pendant l’enquête puisqu’il n’y aura plus de juridictions d’instruction.
A moins que les parlementaires manifestent, eux, suffisamment d’esprit d’indépendance pour refuser cette réforme. On peut rêver…
N.B. Le Ministère Public français, du fait de ses liens avec l’exécutif, n’est pas considéré comme une autorité judiciaire par la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme). Voir l’arrêt Medvedyev du 10 juillet 2008 : Force est cependant de constater que le procureur de la République n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié.