Aujourd’hui avait lieu à La Martre la toute première édition de la Fête du livre dans ce petit village situé au cœur des montagnes du Haut Var. Patrick était invité par l’association organisatrice « Les amis de l’œuvre Notre Montagne » présidée par notre ami Paul Vautel pour parler de sa pièce 1er mai, place Maurice Thorez.
Parmi les autres invités (voir sur ce sujet le blog de Patrick), Roger Fauck ouvrit le bal des conférences avec son ouvrage consacré à La vie mouvementée du curé Jules Chaperon sous-titré « Biographie d’un prêtre social dans la haute vallée de l’Artuby (1877-1951) ». L’histoire passionnante de ce personnage hors du commun nous fut racontée avec talent par l’auteur qui n’hésita pas à mêler à son propos sur la vie édifiante de l’abbé quelques anecdotes, pour le plus grand plaisir de l’auditoire.
Originaire de l’Isère, Jules Chaperon, ordonné prêtre en 1902, est nommé curé à La Martre. Celui qui aurait pu se contenter d’être un simple curé de campagne eut une bien étonnante destinée. Il permit à la région de se doter des instruments économiques et sociaux qui participèrent à son développement, n’hésitant pas à effectuer quatre voyages aux Etats-Unis qui lui permirent de récolter des fonds pour ses actions tant ses prédications y étaient appréciées. Aumonier militaire pendant la Grande guerre, non seulement il créa à La Martre un hôpital pour les soldats blessés ou malades, mais il accompagna par la suite l’armée du Levant en Turquie. Ayant recueilli des témoignages sur le génocide arménien de 1915, il prépara le rapatriement de réfugiés et d’orphelins à La Martre. Ils seront accueillis dans les maisons de son œuvre de Notre-Dame de la Montagne.
En souvenir de cette action, les Arméniens du département (les premiers accueillis ont fait souche) étaient venus en nombre écouter le conférencier. Ayant souhaité lui rendre hommage, ils entraînèrent une partie du public vers le monument aux morts du village où est gravé le nom de l’abbé et déposèrent une gerbe.
Si l’on connaît si bien la vie de l’abbé, c’est qu’il a tenu des cahiers (si j’ai bien compris, il y en avait 140 !) où l’abbé notait tout, dans une langue parfaite, mais avec une minuscule écriture.
Émilie Morel est elle aussi une femme peu ordinaire. Son action en faveur des déshérités, plus discrète que celle de l’abbé, mit davantage de temps à être reconnue. Qu’il s’agisse de l’accompagnement des personnes âgées jusqu’à la fin de leur vie ou des enfants sans famille qu’elle soigna et aida à s’instruire, de son engagement social et humaniste, cette femme venait du même village que Jules Chaperon, Saint Georges d’Espéranches. Infirmière, c’est elle qui gèrera l’hôpital militaire et dirigera l’œuvre Notre Montagne de La Martre. C’est elle aussi qui rejoindra, à son appel, l’abbé à Constantinople, s’occupera des petits Arméniens hospitalisés dans une filiale de l’œuvre et conduira en France ceux qui n’avaient pu trouver de place dans l’établissement, avec quelques adultes, en embarquant avec eux sur le paquebot Trouville.
Émilie avait du charme, beaucoup de charme. Certes, elle était modeste, mais son mode de vie témoigne de son indépendance et de son émancipation en tant que femme (elle mourra d’ailleurs au volant de la voiture qu’elle conduisait, chose assez rare à l’époque). Ce charme, l’abbé n’y était pas insensible si l’on en croit ses écrits. Personne ne doute à La Martre que, bien qu’elle fût pudiquement présentée comme sa cousine, la relation entre eux allait bien au-delà. Personne ne doute, surtout pas notre ami Paul Vautel qui n’est autre que… le petit fils de Jules et Emilie !