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Posts Tagged ‘11 novembre’

Victor Boy

Je tiens, à l’occasion de ce 11 novembre 2019, à reprendre à nouveau ce billet concernant mon grand-père écrit le 13 mars 2008.

Victor et Blanche BoyVictor aurait eu 110 ans quand, à côté de mon père, j’ai lu son nom sur la plaque de l’une des si nombreuses croix du cimetière militaire de Suippes.

Drôle de sensation de voir un fils de 80 ans pleurer sur la tombe d’un père de 31 ans.

Ce fils a porté cette blessure en lui toute sa vie. Quoi de pire que l’absence d’un père qu’on n’a jamais connu si ce n’est au travers de photos jaunies et du souvenir entretenu par une mère qui se retrouvait veuve à vingt-trois ans ? Victor est mort peu après sa blessure dans les Dardanelles et son rapatriement en France par le navire-hôpital le Duguay-Trouin en provenance de Salonique. Sur une carte envoyée du bateau et écrite au crayon gris, il faisait part de son impatience de revoir sa Blanche, sa Blanchette, et de serrer enfin dans ses bras ce petit Raymond qui leur était né dix mois plus tôt. Il n’en aura pas eu le temps.

Deux années de guerre, deux années d’horreur : et pourtant rien ne transparaissait jamais dans les brefs messages qui sont parvenus régulièrement à Blanche. Toujours cette même inquiétude pour la jeune femme restée seule au pays. «Pour moi, tout va bien, mais je me fais du souci pour toi».

Pourquoi, dans toutes les lettres écrites par ces hommes envoyés au combat, n’y avait-il jamais une plainte, jamais un mot qui aurait pu faire comprendre l’horreur de ce qu’ils vivaient si loin de chez eux ? Censure ? Peut-être. Pudeur ? Sans aucun doute. Parce qu’ils n’en ont pas plus parlé à leur retour qu’ils ne l’ont fait durant leurs trop rares permissions. Ils auraient eu honte de se plaindre, eux, les hommes, accueillis tels des héros, surtout s’ils rentraient avec un bras ou une jambe en moins, ou avec la gueule cassée. Comment dès lors dire la peur qui les tenaillait au ventre ? Un héros, ça n’a pas peur : même leurs proches n’auraient pas aimé ça. Dans mon enfance, j’en ai connu plusieurs des hommes de ma famille qui avaient fait la Grande Guerre. Aucun d’eux ne m’a jamais dit ce qu’il avait vécu. Il est vrai que cette guerre était terminée depuis longtemps, et qu’une autre, avec son propre cortège de malheurs, l’avait fait oublier. Il en est allé d’ailleurs de même pour les déportés qui ont survécu aux camps de concentration : dans un premier temps, ils ont peu raconté. Sans doute avaient-ils eux aussi compris qu’ils n’étaient pas très nombreux ceux qui avaient envie de les entendre. Comme si nos sociétés éprouvaient le besoin de jeter un voile sur ce que certains comportements révèlent de la nature humaine.

Aujourd’hui encore, je suis remplie de colère quand je pense à ces généraux qui ne voyaient dans ces soldats envoyés au front que de la chair à canon, je suis remplie de colère quand je pense à l’assassinat de ces jeunes gens qui ont eu le courage de résister aux ordres en refusant de partir à l’assaut et de quitter la tranchée une fois de plus. J’enrage de me dire que ceux qui ne les considéraient que comme des pions sur un échiquier ont été fêtés parce qu’ils avaient gagné la guerre. Quelle victoire ?

Alors quand j’ai lu, hier, que Lazare Ponticelli, le dernier Poilu, venait de mourir à l’âge de 110 ans, j’ai pensé à toutes ces vies brisées, à tous ces noms sur les monuments aux morts partout en Europe. J’ai pensé à Victor, mon grand-père, éternel jeune homme de 31 ans, j’ai pensé à son fils de 80 ans et à mon bras passé autour de son cou, pour tenter, en vain, de lui enlever un peu de sa peine, quand nous étions penchés sur sa tombe. Et j’ai pleuré. De colère.

Victor Boy est né le 2 mai 1885 et est mort le 29 août 1916. Sa dernière carte envoyée à son épouse, Blanche Cériché, est datée du 16 juillet 1916 et a été écrite sur le navire-hôpital le Duguay-Trouin. Il n’a jamais rencontré son fils, Raymond Boy, né le 14 octobre 1915.

 

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En ce 11 novembre où l’on commémore l’armistice de 1918, j’ai voulu reprendre pour la 2e fois ce billet écrit ici même le 13 mars 2008.

Victor et Blanche Boy

Blanche et Victor Boy

Victor aurait eu 110 ans quand, à côté de mon père, j’ai lu son nom sur la plaque de l’une des si nombreuses croix du cimetière militaire de Suippes.

Drôle de sensation de voir un fils de 80 ans pleurer sur la tombe d’un père de 31 ans.

Ce fils a porté cette blessure en lui toute sa vie. Quoi de pire que l’absence d’un père qu’on n’a jamais connu si ce n’est au travers de photos jaunies et du souvenir entretenu par une mère qui se retrouvait veuve à vingt-trois ans ? Victor est mort peu après sa blessure dans les Dardanelles et son rapatriement en France par le navire-hôpital le Duguay-Trouin en provenance de Salonique. Sur une carte envoyée du bateau et écrite au crayon gris, il faisait part de son impatience de revoir sa Blanche, sa Blanchette, et de serrer enfin dans ses bras ce petit Raymond qui leur était né dix mois plus tôt. Il n’en aura pas eu le temps.

Deux années de guerre, deux années d’horreur : et pourtant rien ne transparaissait jamais dans les brefs messages qui sont parvenus régulièrement à Blanche. Toujours cette même inquiétude pour la jeune femme restée seule au pays. «Pour moi, tout va bien, mais je me fais du souci pour toi».

Pourquoi, dans toutes les lettres écrites par ces hommes envoyés au combat, n’y avait-il jamais une plainte, jamais un mot qui aurait pu faire comprendre l’horreur de ce qu’ils vivaient si loin de chez eux ? Censure ? Peut-être. Pudeur ? Sans aucun doute. Parce qu’ils n’en ont pas plus parlé à leur retour qu’ils ne l’ont fait durant leurs trop rares permissions. Ils auraient eu honte de se plaindre, eux, les hommes, accueillis tels des héros, surtout s’ils rentraient avec un bras ou une jambe en moins, ou avec la gueule cassée. Comment dès lors dire la peur qui les tenaillait au ventre ? Un héros, ça n’a pas peur : même leurs proches n’auraient pas aimé ça. Dans mon enfance, j’en ai connu plusieurs des hommes de ma famille qui avaient fait la Grande Guerre. Aucun d’eux ne m’a jamais dit ce qu’il avait vécu. Il est vrai que cette guerre était terminée depuis longtemps, et qu’une autre, avec son propre cortège de malheurs, l’avait fait oublier. Il en est allé d’ailleurs de même pour les déportés qui ont survécu aux camps de concentration : dans un premier temps, ils ont peu raconté. Sans doute avaient-ils eux aussi compris qu’ils n’étaient pas très nombreux ceux qui avaient envie de les entendre. Comme si nos sociétés éprouvaient le besoin de jeter un voile sur ce que certains comportements révèlent de la nature humaine.

Aujourd’hui encore, je suis remplie de colère quand je pense à ces généraux qui ne voyaient dans ces soldats envoyés au front que de la chair à canon, je suis remplie de colère quand je pense à l’assassinat de ces jeunes gens qui ont eu le courage de résister aux ordres en refusant de partir à l’assaut et de quitter la tranchée une fois de plus. J’enrage de me dire que ceux qui ne les considéraient que comme des pions sur un échiquier ont été fêtés parce qu’ils avaient gagné la guerre. Quelle victoire ?

Alors quand j’ai lu, hier, que Lazare Ponticelli, le dernier Poilu, venait de mourir à l’âge de 110 ans, j’ai pensé à toutes ces vies brisées, à tous ces noms sur les monuments aux morts partout en Europe. J’ai pensé à Victor, mon grand-père, éternel jeune homme de 31 ans, j’ai pensé à son fils de 80 ans et à mon bras passé autour de son cou, pour tenter, en vain, de lui enlever un peu de sa peine, quand nous étions penchés sur sa tombe. Et j’ai pleuré. De colère.

Victor Boy est né le 2 mai 1885 et est mort le 29 août 1916. Sa dernière carte envoyée à son épouse, Blanche Cériché, est datée du 16 juillet 1916 et a été écrite sur le navire-hôpital le Duguay-Trouin. Il n’a jamais rencontré son fils, Raymond Boy, né le 14 octobre 1915.


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Préfet Colrat

Ce soir, au Palais Sarde, sous les ors de la République, le Préfet Adolphe Colrat accueillait ses invités : élus, fonctionnaires des grands corps de l’Etat et associatifs (notamment, en ce 11 novembre, ceux de la mouvance des Anciens Combattants).

Il le fit en prononçant une courte et digne allocution que nous avons eu la chance de poursuivre en tête à tête en évoquant l’importance des rituels républicains comme, par exemple, les cérémonies de naturalisation organisées en Préfecture plusieurs fois l’an.

Le petit cocktail qui suivit fut aussi l’occasion de de croiser… deux anciens maires de Nice et de bavarder avec eux. Mais pas avec l’actuel, en déplacement en Russie, ce qui ne manqua pas de nous rappeler la première partie de la journée (voir, sur le blog de Patrick Mottard, « La Russie chante à Cyrille Besset« ).

Patrick Mottard

P.S. Il m’est souvent arrivé, le 11 novembre, de reprendre des billets publiés les années précédentes à la même date, touchant à ma famille. Je vais me contenter, pour cette année 2014 de vous renvoyer à ceux-ci :

Victor Boy

Morts pour la France…

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flirey1Plaque située avenue de Flirey à Nice

Aujourd’hui, jeudi 13 novembre, avait lieu l’Assemblée Plénière du Conseil général consacrée à la DM2 (2e décision modificative du budget 2008) et au DOB (débat sur les orientations budgétaires pour 2009).

On peut trouver sur le site de Gauche Autrement l’intervention de politique générale faite par Patrick Mottard à propos des orientations budgétaires et mes différentes interventions sur un certain nombre de rapports de la DM2.

Parmi ces rapports, l’un concernait le vote d’un crédit de 8500 € pour la réfection du Monument à la mémoire des combattants du 163e RI et érigé à Flirey (Lorraine), décision que j’ai trouvé particulièrement bienvenue (j’aurais d’ailleurs bien aimé faire partie du déplacement qui avait été organisé sur place, l’avenue de Flirey étant sur le territoire de mon canton…). Décision doublement bienvenue, car elle permet aussi de réhabiliter les soldats niçois et de Provence envoyés au combat au début de la guerre, injustement accusés de lâcheté – réputation qui les poursuivra longtemps – pour couvrir les erreurs de l’état-major et notamment celles de Joffre (ce n’est d’ailleurs pas la seule qu’il a commise). Je me demande pourquoi on continue à avoir une rue Mal Joffre à Nice… Et quelques autres…

J’en ai profité pour saluer le récent discours de Nicolas Sarkozy (ce qui, franchement, ne m’arrive pas souvent…) à l’occasion du 11 novembre : même si on ne réhabilite pas vraiment les soldats fusillés par leur propre camp, on rassemble dans le même hommage et la même douleur toutes les victimes de cette absurde et horrible guerre.

En lisant sur mon blog le billet que j’ai écrit il y a quelques mois sur la première guerre mondiale (Victor Boy), on comprendra aisément mon développement ci-dessus.

Sur la séance du CG, Journal régional de France 3, jeudi 13 novembre 2008 : Cg06EtCrise

envoyé par InfosActus06

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