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Archive for the ‘Histoire’ Category

Victor Boy

Je tiens, à l’occasion de ce 11 novembre 2019, à reprendre à nouveau ce billet concernant mon grand-père écrit le 13 mars 2008.

Victor et Blanche BoyVictor aurait eu 110 ans quand, à côté de mon père, j’ai lu son nom sur la plaque de l’une des si nombreuses croix du cimetière militaire de Suippes.

Drôle de sensation de voir un fils de 80 ans pleurer sur la tombe d’un père de 31 ans.

Ce fils a porté cette blessure en lui toute sa vie. Quoi de pire que l’absence d’un père qu’on n’a jamais connu si ce n’est au travers de photos jaunies et du souvenir entretenu par une mère qui se retrouvait veuve à vingt-trois ans ? Victor est mort peu après sa blessure dans les Dardanelles et son rapatriement en France par le navire-hôpital le Duguay-Trouin en provenance de Salonique. Sur une carte envoyée du bateau et écrite au crayon gris, il faisait part de son impatience de revoir sa Blanche, sa Blanchette, et de serrer enfin dans ses bras ce petit Raymond qui leur était né dix mois plus tôt. Il n’en aura pas eu le temps.

Deux années de guerre, deux années d’horreur : et pourtant rien ne transparaissait jamais dans les brefs messages qui sont parvenus régulièrement à Blanche. Toujours cette même inquiétude pour la jeune femme restée seule au pays. «Pour moi, tout va bien, mais je me fais du souci pour toi».

Pourquoi, dans toutes les lettres écrites par ces hommes envoyés au combat, n’y avait-il jamais une plainte, jamais un mot qui aurait pu faire comprendre l’horreur de ce qu’ils vivaient si loin de chez eux ? Censure ? Peut-être. Pudeur ? Sans aucun doute. Parce qu’ils n’en ont pas plus parlé à leur retour qu’ils ne l’ont fait durant leurs trop rares permissions. Ils auraient eu honte de se plaindre, eux, les hommes, accueillis tels des héros, surtout s’ils rentraient avec un bras ou une jambe en moins, ou avec la gueule cassée. Comment dès lors dire la peur qui les tenaillait au ventre ? Un héros, ça n’a pas peur : même leurs proches n’auraient pas aimé ça. Dans mon enfance, j’en ai connu plusieurs des hommes de ma famille qui avaient fait la Grande Guerre. Aucun d’eux ne m’a jamais dit ce qu’il avait vécu. Il est vrai que cette guerre était terminée depuis longtemps, et qu’une autre, avec son propre cortège de malheurs, l’avait fait oublier. Il en est allé d’ailleurs de même pour les déportés qui ont survécu aux camps de concentration : dans un premier temps, ils ont peu raconté. Sans doute avaient-ils eux aussi compris qu’ils n’étaient pas très nombreux ceux qui avaient envie de les entendre. Comme si nos sociétés éprouvaient le besoin de jeter un voile sur ce que certains comportements révèlent de la nature humaine.

Aujourd’hui encore, je suis remplie de colère quand je pense à ces généraux qui ne voyaient dans ces soldats envoyés au front que de la chair à canon, je suis remplie de colère quand je pense à l’assassinat de ces jeunes gens qui ont eu le courage de résister aux ordres en refusant de partir à l’assaut et de quitter la tranchée une fois de plus. J’enrage de me dire que ceux qui ne les considéraient que comme des pions sur un échiquier ont été fêtés parce qu’ils avaient gagné la guerre. Quelle victoire ?

Alors quand j’ai lu, hier, que Lazare Ponticelli, le dernier Poilu, venait de mourir à l’âge de 110 ans, j’ai pensé à toutes ces vies brisées, à tous ces noms sur les monuments aux morts partout en Europe. J’ai pensé à Victor, mon grand-père, éternel jeune homme de 31 ans, j’ai pensé à son fils de 80 ans et à mon bras passé autour de son cou, pour tenter, en vain, de lui enlever un peu de sa peine, quand nous étions penchés sur sa tombe. Et j’ai pleuré. De colère.

Victor Boy est né le 2 mai 1885 et est mort le 29 août 1916. Sa dernière carte envoyée à son épouse, Blanche Cériché, est datée du 16 juillet 1916 et a été écrite sur le navire-hôpital le Duguay-Trouin. Il n’a jamais rencontré son fils, Raymond Boy, né le 14 octobre 1915.

 

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Février est la période des cérémonies commémoratives de la Retirada (l’exil des républicains espagnols en 1939 et leur « accueil » déplorable en France) dans les Pyrénées-Orientales dont une partie de la population est d’origine espagnole.

Pour moi qui ai toujours été émue par ce drame (voir, par exemple, mes billets Le camp de Rivesaltes et la Retirada en 2008 ou La mémoire de la Retirada en 2013), il n’était pas question de ne pas participer à ce 80e anniversaire.

C’est ainsi que ce matin, nous avons arpenté l’immense plage d’Argeles où des poteaux plantés dans le sable permettaient de suivre une exposition photographique témoignant des conditions de vie indignes que la République française a imposé aux réfugiés dans un camp construit à la hâte à même le sable.

Puis nous avons emprunté la route du col de Banyuls en participant à une sorte de pèlerinage à travers la montagne parfumée de mimosas qui était un des chemins de passage de la Retirada. Au fur et à mesure de notre progression sous un soleil déjà printanier, nous avons pu nous replonger dans le chaos de cette retraite forcée avec des histoires de naissance en pleine nature, de meurtres et de traîtrise, de petits gestes d’humanité, de trésors convoités… Et je n’ai pu m’empêcher d’avoir une pensée pour Pepita, la grand-mère de Xavier : était-ce ici qu’elle avait franchi la frontière ? Mais ici ou ailleurs dans les Pyrénées, l’histoire était la même, pour toutes les Pepita contraintes à l’exode et à l’exil…

Enfin, à la mairie de Banyuls, où était inaugurée une exposition, un survivant nous a raconté non seulement l’horreur de la période mais aussi celle de l’après avec, par exemple, le drame des bébés volés (dont le nombre est estimé à 300 000) aux mamans républicaines dans les années 1940 et 1950 (et même au-delà). Le maire lui-même a pu nous raconter l’histoire de sa famille intimement liée à celle de la guerre civile en Espagne. Ce fut pour nous l’occasion de retrouver, l’espace d’un moment, comme à chaque fois, notre amie Minerva dans la famille (espagnole) de laquelle nous avons eu la chance de partager dans le passé des beaux moments de mémoire et de convivialité.

Une belle et triste journée. Une de ces journées qui vous apprennent à quel point le souvenir historique n’est pas la satisfaction d’une nostalgie mais une arme pour affronter le présent. Surtout quand on est républicain et humaniste.

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« Tu sais quel jour on est ? » Oui, maman, je sais.

Cette question revient presque systématiquement chaque année. Ma mère, Thérèse, a de bonnes raisons de ne pas l’oublier. Elle a passé sa jeunesse dans le quartier de Cessole, le lieu d’où est partie l’insurrection qui devait libérer la ville. Et elle n’habitait pas très loin du Palais Stella où se réunirent dans la nuit du 27 au 28 les résistants qui allaient décider des opérations. C’était d’ailleurs le cas de toute sa famille paternelle.

Et donc, presque systématiquement chaque année, je participe à l’une des cérémonies qui commémore, le 28 août, la libération de Nice par ses habitants en 1944. Patrick était hier soir devant le Palais Stella. J’étais cet après-midi au Carrefour du 28 août, au Passage à niveau, devant le monument aux morts des habitants du quartier qui périrent en cette circonstance. L’émotion est intacte, le temps n’y change rien. Et quand la fanfare des pompiers entame la Marseillaise, avant le chant des Partisans, tout se mélange dans ma tête : nous avons, malheureusement, l’occasion de l’entendre si souvent depuis l’année dernière…

 

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Hier, la communauté juive se souvenait de la Shoah. À Nice, au cimetière du Château, comme partout dans le monde. Cette cérémonie à laquelle je participais à l’invitation de Daniel Wancier, président du comité Yad Vashem de la Côte d’Azur, fut, comme l’année dernière, empreinte d’émotion mais aussi de gravité. Chacun des intervenants a tenu à mettre l’accent sur le contexte dans lequel elle se déroulait, entre les deux tours d’une élection présidentielle qui voit la représentante du FN présente parmi les deux finalistes, contre laquelle il faut tout mettre en oeuvre pour éviter l’irréparable.

C’est entourés de dessins réalisés à partir de photos que les différents élus ainsi que les représentants d’associations ont donné lecture du nom des enfants juifs de Nice déportés avant de rejoindre, juste à côté, le mur des Justes.

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Intense moment d’émotion ce jeudi. À l’initiative du Comité Yad Vashem, on dévoilait une stèle sur laquelle étaient inscrits les noms de déportés juifs qui furent raflés en 1943 à la maison de retraite « Villa Jacob ».

plaque-dorigineLa stèle dévoilée est une copie de la stèle originale, qui était à côté, reposant sur le sol, en trop mauvais état (pour l’instant) pour être redressée. Disparue depuis plusieurs années, elle a été retrouvée, il y a quelques mois, brisée en plusieurs morceaux dans un bois à Vence par un joggeur….

En cette circonstance, représentant la seule famille qu’on a pu retrouver ayant un lien avec ces déportés, j’ai pris la parole, avant les « officiels » et en présence de Beate et Serge Klarsfeld, pour apporter un témoignage personnel : le nom de mon arrière-grand-mère, Flora Lattès (épouse Cériché) figure en effet dans cette liste.

Voici les mots que j’ai prononcés :

« Mesdames et Messieurs,

Daniel Wancier

Daniel Wancier

Je voudrais en tout premier lieu remercier ceux qui agissent sans relâche pour que ne soient pas oubliés toutes celles et tous ceux qui ont si dramatiquement disparus lors du génocide perpétré par les nazis lors du dernier conflit mondial. Parmi ceux qui ne ménagent ni leur temps ni leur énergie, je voudrais citer Daniel Wancier, président du comité Yad Vashem Nice Côte d’Azur qui m’a demandé de prendre la parole aujourd’hui.

Plus particulièrement, concernant la cérémonie de ce jour, je crois que nous devons rendre hommage à ce joggeur qui, tombant sur la plaque brisée de la Villa Jacob dans les bois d’un massif forestier à Vence, a eu le bon réflexe d’en faire part au comité.

Lorsque j’ai lu l’article de Nice-Matin consacré à cette découverte, cela m’a fait un choc. Bien sûr, je n’ai pu manquer de me demander – comme tous les lecteurs, je crois – comment il était possible que quelqu’un l’ait jetée là tellement d’années après sa disparition du lieu où elle avait été apposée. Cela a peut-être été un mal pour un bien puisque nous sommes là aujourd’hui et que la plaque va retrouver sa destination première.

Au-delà du choc de la découverte, j’ai été envahie par l’émotion. Parmi les noms des pensionnaires raflés ce 21 novembre 1943 figurait celui de mon arrière-grand-mère, la mère de ma grand-mère paternelle. Pourquoi était-ce aussi important ? Parce que si je n’ignorais rien de sa mort en déportation, je ne savais qu’elle avait été raflée à la Villa Jacob que parce que l’information nous avait été transmise par mon père : lui et sa mère avaient tenté de lui faire quitter en vain la maison de retraite au moment où l’occupation allemande avait remplacé l’occupation italienne. Mais nous n’avions aucun élément, aucun écrit, confirmant cela.

Avec ma soeur Michèle

Avec ma soeur Michèle

Ma grand-mère parlait assez peu de ce passé douloureux. Il faut dire que sa jeunesse avait été marquée par de nombreux drames, un mari mort pendant la 1re guerre mondiale, un second mari disparu peu après, un fils décédé en 1940, et donc sa mère déportée en 1943. J’avais essayé à plusieurs reprises d’en parler avec elle, déjà âgée, mais elle était très réservée sur le sujet. J’avais finalement laissé tomber le jour où elle avait mis fin à mon ultime tentative en me disant d’arrêter de me tourner vers le passé et en ajoutant : « tu ferais mieux de t’occuper de bonnes œuvres… ! »

Si je n’en ai plus parlé avec elle, je n’ai pas pour autant cessé d’y penser. Et quelques années plus tard, à l’occasion d’un séjour en Israël, je me suis rendue au Mémorial de Yad Vashem. Ce fut pour moi un moment décisif : je crois que c’est là, en 1992, que l’histoire de ma famille a cessé d’être une histoire personnelle. Je ne suis pas juive : mon arrière-grand-mère avait épousé un catholique. Mais ce jour-là, l’histoire des Juifs est devenue un peu la mienne. Et quand je suis rentrée à Nice, j’ai décidé de remplir une feuille de témoignage : son nom se trouvait donc désormais mêlé en ce lieu symbolique à ceux des millions de juifs exterminés.

Je me dois de dire aussi que ma sensibilisation à cette période terrible a été accentuée par l’histoire familiale de mon époux qui est devenue aussi la mienne. En effet, le grand-père de Patrick, résistant, est mort en déportation (passé par Auschwitz, il est décédé en Tchécoslovaquie) et son père, René, alors très jeune homme, est rentré des camps très gravement malade : il a vécu toute sa vie dans un fauteuil roulant.

dominique-boy-mottardLorsque j’étais conseillère générale, c’est avec conviction que j’ai participé ainsi que Patrick à plusieurs des voyages de la Mémoire organisés pour les collégiens vers Auschwitz par le département des Alpes-Maritimes, des déplacements initiés par M. Christian Estrosi et poursuivis ensuite par M. Eric Ciotti. Comment ne pas être bouleversée en arrivant au bout de la voie de chemin de fer interne à Birkenau, sur le quai de la solution finale ? Là encore, mon histoire personnelle se nourrissait de celle de l’ensemble du peuple juif (et inversement) : j’étais à l’endroit même où mon arrière-grand-mère, âgée de 74 ans, était arrivée pour y mourir le 12 décembre 1943 avec le convoi parti de Drancy – où les pensionnaires de la Villa Jacob avaient été conduits – le 7 décembre 1943.

Mais en dehors de cette information officielle, j’avais toujours peu d’éléments personnels sur mon arrière-grand-mère. Et tout ce que j’ai pu apprendre est un peu le fruit du hasard. Mais sans doute d’un hasard qui venait d’autant plus facilement à moi que j’étais toujours en alerte.

dominique-boy-mottard-daniel-wancierAinsi, le lundi 8 mai 2006, j’étais à la synagogue de la rue Deloye où la communauté juive de Nice rendait hommage à Marcelle Cohen, notre compatriote victime d’un attentat terroriste en Israël. C’était la première fois que j’y entrais et mon émotion en cette circonstance fut d’autant plus forte que j’ai retrouvé, sur la plaque commémorative des victimes niçoises de la Shoah, le nom de mon aïeule, ce dont personne n’était au courant chez moi. Je suppose que cette inscription était le fait de ma grand-mère, sa fille, mais elle n’en avait jamais parlé.

Les années passèrent. Toujours à la recherche d’informations, je me suis rendue au cimetière de Cuneo d’où elle était originaire à la recherche de l’éventuelle sépulture de ses parents. Je ne l’ai pas trouvée : il faut dire que de nombreuses tombes du cimetière juif sont en bien mauvais état et que plusieurs noms sont effacés. Mais grâce à l’aide de Lucien Samak qui m’a donné un contact dans le Piémont, il n’est pas impossible que les choses avancent.

Avec Maurice Winnykamen

Avec Maurice Winnykamen

Pour autant, je désespérais d’avoir des informations plus précises confirmant la présence de notre ancêtre à la Villa Jacob au moment de sa déportation lorsque mon ami, Maurice Winnykamen ici présent, qui connaissant bien mon histoire, me signala qu’il avait pris connaissance du rapport officiel de la Gendarmerie nationale française, intendance régionale de la police de Nice, rapportant les arrestations de « 15 vieillards » à la Villa Jacob le 21 novembre 1943. Toujours pas le nom de ma bisaïeule mais, au détour d’une phrase, après l’énumération de 14 noms, il est fait état d’une « autre octogénaire arrêtée ». Pour lui, il ne pouvait y avoir de doute, il s’agissait bien d’elle. Et il en a parlé dans son remarquable ouvrage de témoignages « La colline ».

Mais toujours pas de nom… Jusqu’à ce 3 février 2016 où j’apprends dans la presse la découverte de la plaque. Ce n’est pas grand-chose un nom sur une plaque mais pour moi ça signifiait beaucoup.

Mon ancêtre s’appelait Flora LATTÈS, épouse CÉRICHÉ. Quand elle s’est mariée, elle est venue s’installer à Nice et elle a passé les dernières années de sa vie à la villa Jacob. Fille de Gabriele et Rosa LATTÈS, elle était née le 12 mai 1869 à Cuneo. Elle était Italienne. Et juive.« 

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Daniel Wancier, Dominique Boy-Mottard

Aujourd’hui, en France comme en Israël et partout dans le monde, on célébrait Yom HaShoah. Pour cette journée du souvenir, j’étais au cimetière du Château aux côtés de la communauté juive avec d’autres élus de la ville de Nice.

Cette cérémonie est toujours sobre et émouvante. Émouvante parce que sobre. Les intervenants qui se sont succédés à la tribune ont souvent eu des paroles très fortes. Je pense notamment au remarquable discours prononcé par le 1er adjoint, Philippe Pradal, et aux paroles extrêmement touchantes d’Olivier Robaut, fortement marqué par sa participation à l’un des « Voyages de la Mémoire » organisés par le Département.

La tradition veut que six survivants de la Shoah allument six torches représentant les six millions de Juifs exterminés par les nazis. Notre ami Daniel Wancier, président du comité Yad Vashem Nice Côte d’Azur, m’a fait un très grand honneur, en m’appelant à allumer l’une d’elles après que les cinq premières l’ont été par des déportés. Il a expliqué à l’assistance que mon arrière-grand-mère, Flora Lattes, avait fait partie des quatorze déportés morts à Auschwitz de la Villa Jacob en 1943 dont les noms figurent sur une plaque commémorative qui avait disparue et qui a été retrouvée il y a quelques mois par hasard en pleine nature (une cérémonie commémorative aura lieu à la fin du mois de septembre).

Après la lecture des noms des enfants juifs déportés et la prière des morts et avant de rejoindre un peu plus bas le mur des Justes, les voix de la chorale se sont élevées sur la chanson « Nuit et Brouillard ».

L’un des intervenants a souligné que « la musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots ». Mais ceux de Jean Ferrat ont conservé toute leur force.

Devant le mur des JustesOlivier Robaut, Dominique Boy-MottardChorale

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Préfet Colrat

Ce soir, au Palais Sarde, sous les ors de la République, le Préfet Adolphe Colrat accueillait ses invités : élus, fonctionnaires des grands corps de l’Etat et associatifs (notamment, en ce 11 novembre, ceux de la mouvance des Anciens Combattants).

Il le fit en prononçant une courte et digne allocution que nous avons eu la chance de poursuivre en tête à tête en évoquant l’importance des rituels républicains comme, par exemple, les cérémonies de naturalisation organisées en Préfecture plusieurs fois l’an.

Le petit cocktail qui suivit fut aussi l’occasion de de croiser… deux anciens maires de Nice et de bavarder avec eux. Mais pas avec l’actuel, en déplacement en Russie, ce qui ne manqua pas de nous rappeler la première partie de la journée (voir, sur le blog de Patrick Mottard, « La Russie chante à Cyrille Besset« ).

Patrick Mottard

P.S. Il m’est souvent arrivé, le 11 novembre, de reprendre des billets publiés les années précédentes à la même date, touchant à ma famille. Je vais me contenter, pour cette année 2014 de vous renvoyer à ceux-ci :

Victor Boy

Morts pour la France…

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Monument aux morts de La Martre

Monument aux morts de La Martre

Aujourd’hui avait lieu à La Martre la toute première édition de la Fête du livre dans ce petit village situé au cœur des montagnes du Haut Var. Patrick était invité par l’association organisatrice « Les amis de l’œuvre Notre Montagne » présidée par notre ami Paul Vautel pour parler de sa pièce 1er mai, place Maurice Thorez.

Roger Fauck

Roger Fauck

Parmi les autres invités (voir sur ce sujet le blog de Patrick), Roger Fauck ouvrit le bal des conférences avec son ouvrage consacré à La vie mouvementée du curé Jules Chaperon sous-titré « Biographie d’un prêtre social dans la haute vallée de l’Artuby (1877-1951) ». L’histoire passionnante de ce personnage hors du commun nous fut racontée avec talent par l’auteur qui n’hésita pas à mêler à son propos sur la vie édifiante de l’abbé quelques anecdotes, pour le plus grand plaisir de l’auditoire.

Abbé Jules ChaperonOriginaire de l’Isère, Jules Chaperon, ordonné prêtre en 1902, est nommé curé à La Martre. Celui qui aurait pu se contenter d’être un simple curé de campagne eut une bien étonnante destinée. Il permit à la région de se doter des instruments économiques et sociaux qui participèrent à son développement, n’hésitant pas à effectuer quatre voyages aux Etats-Unis qui lui permirent de récolter des fonds pour ses actions tant ses prédications y étaient appréciées. Aumonier militaire pendant la Grande guerre, non seulement il créa à La Martre un hôpital pour les soldats blessés ou malades, mais il accompagna par la suite l’armée du Levant en Turquie. Ayant recueilli des témoignages sur le génocide arménien de 1915, il prépara le rapatriement de réfugiés et d’orphelins à La Martre. Ils seront accueillis dans les maisons de son œuvre de Notre-Dame de la Montagne.

Cérémonie des Arméniens au Monument aux mortsEn souvenir de cette action, les Arméniens du département (les premiers accueillis ont fait souche) étaient venus en nombre écouter le conférencier. Ayant souhaité lui rendre hommage, ils entraînèrent une partie du public vers le monument aux morts du village où est gravé le nom de l’abbé et déposèrent une gerbe.

Si l’on connaît si bien la vie de l’abbé, c’est qu’il a tenu des cahiers (si j’ai bien compris, il y en avait 140 !) où l’abbé notait tout, dans une langue parfaite, mais avec une minuscule écriture.

Emilie MorelÉmilie Morel est elle aussi une femme peu ordinaire. Son action en faveur des déshérités, plus discrète que celle de l’abbé, mit davantage de temps à être reconnue. Qu’il s’agisse de l’accompagnement des personnes âgées jusqu’à la fin de leur vie ou des enfants sans famille qu’elle soigna et aida à s’instruire, de son engagement social et humaniste, cette femme venait du même village que Jules Chaperon, Saint Georges d’Espéranches. Infirmière, c’est elle qui gèrera l’hôpital militaire et dirigera l’œuvre Notre Montagne de La Martre. C’est elle aussi qui rejoindra, à son appel, l’abbé à Constantinople, s’occupera des petits Arméniens hospitalisés dans une filiale de l’œuvre et conduira en France ceux qui n’avaient pu trouver de place dans l’établissement, avec quelques adultes, en embarquant avec eux sur le paquebot Trouville.

Émilie avait du charme, beaucoup de charme. Certes, elle était modeste, mais son mode de vie témoigne de son indépendance et de son émancipation en tant que femme (elle mourra d’ailleurs au volant de la voiture qu’elle conduisait, chose assez rare à l’époque). Ce charme, l’abbé n’y était pas insensible si l’on en croit ses écrits. Personne ne doute à La Martre que, bien qu’elle fût pudiquement présentée comme sa cousine, la relation entre eux allait bien au-delà. Personne ne doute, surtout pas notre ami Paul Vautel qui n’est autre que… le petit fils de Jules et Emilie !

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En ce 11 novembre 2013, je voudrais saluer l’initiative du Conseil général des Alpes-Maritimes qui, d’une part, a numérisé les registres des « matricules militaires » de la Grande Guerre (180 registres consultables en ligne sur le site des Archives départementales) et, d’autre part, a lancé une collecte des documents privés familiaux sur cette période.

Archives guerre 14-18

Cette dernière initiative s’inscrit dans le cadre d’une opération internationale lancée par la bibliothèque numérique Europeana.

En 2010, j’avais recensé dans un billet les fiches de décès des « Morts pour la France » de membres proches de ma famille.

Et je ne veux pas laisser passer cette date anniversaire sans vous renvoyer à un billet écrit le 13 mars 2008 suite au décès du dernier Poilu (Lazare Ponticelli) que j’avais repris le 11 novembre 2009 à propos de mon grand-père, Victor Boy, enterré au cimetière militaire de Suippes, dont le nom figure, avec celui des trop nombreux autres, sur le monument aux Morts de Nice.

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Dominique Boy-Mottard et Maurice Winnykamen

Ce soir, Maurice Winnykamen présentait, dans le cadre accueillant du MUSEAAV, son ouvrage « Enfant caché – Hommage et malentendu ».

Je le remercie de m’avoir demandé d’animer cette présentation qui m’a permis de me replonger dans ce texte tour à tour drôle et dramatique et toujours touchant.

Maurice y retrace sa vie d’enfant caché, d’enfant juif qui ignorait, plus ou moins, qu’il était juif, entre 1940 et 1945 (de 8 à 13 ans). Pendant cette période, il aura deux familles : sa famille naturelle, avec des parents juifs engagés dans la Résistance qu’il entraperçoit par moments, quand ils peuvent lui rendre visite, et sa famille d’accueil, la famille Pegaz, où il sera Marcel, dans ce village de Savoie qu’il a tant aimé, qu’il aime tant : Le Montcel.

Ce texte est autobiographique, mais Maurice a manifestement tenu à en élargir le propos par l’analyse, la réflexion, au-delà des souvenirs de l’enfant. Quand on se tourne ainsi vers le passé, un passé qui mêle histoire personnelle et histoire collective, il n’est pas toujours évident d’en rendre compte. Il faut faire appel à la mémoire. Et voici comment il analyse ce qu’est la mémoire : « La mémoire ressemble à un escalier double en colimaçon. Les souvenirs et le savoir devraient monter, chacun de son côté, à la même vitesse, sous les marches spiralées. Ce n’est pas le cas ». Et d’expliquer que l’un prend toujours le pas sur l’autre. Et tant que les deux ne se rejoignent pas la mémoire est parcellaire. Pour autant, quand ils se rejoignent, ils ne sont pas forcément convergents. Mais ce n’est pas grave car de cette contradiction naît le débat interne qui permet à l’être d’évoluer, de vivre tout simplement.

La vie d’enfant de Marcel durant cette période – et Maurice le dit sans fard – est une vie heureuse d’enfant vivant à la campagne. Il travaille aux champs, à la ferme, va à l’école, au catéchisme… Une vie normale. Presque normale, car il ne doit jamais oublier de mentir sur ce qu’il est, sur son identité. Jusqu’à en arriver par moments à l’oublier. Là encore, à presque l’oublier, car bien sûr une telle enfance laisse des traces. Cet enfant heureux dans sa famille savoyarde avait tout de même gardé de cette période une blessure. Elle est le malentendu du titre de l’ouvrage.

Mais Maurice préfère voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. S’il n’oublie pas qu’en France 76 000 Juifs ont été déportés, il tient à rappeler que 250 000 ont été sauvés. Que la France n’était pas raciste, même s’il a pu entendre ces mots qu’il ne connaissait pas : youpin, youtre, sale juif, salaud de youtre… Car les gens qui les ont prononcés « ne sont pourtant pas foncièrement méchants ; seulement malheureux ; seulement ignorants ». L’ignorance, un thème qui revient chez lui à plusieurs reprises : « Les mots ne tuent pas, ce qui tue, c’est le manque de mots, le manque de connaissances, le manque d’imagination, c’est l’inculture qui produit la peur de l’autre ».

Mais parfois Maurice est en colère. Il veut tordre le cou à cette vieille lune selon laquelle les Juifs ne seraient pas défendus, se seraient laissés faire. « Honte à ceux qui ont osé affirmer que les Juifs ne s’étaient pas battus, qu’ils avaient marché à la mort sans un geste de révolte, comme des moutons. Ceux qui persistent à le dire aujourd’hui sont des antisémites. » Et, au-delà de ses propres parents, tous deux engagés dans la Résistance, il rappelle, avec force chiffres et exemples, que c’était le cas de nombreux autres, soit dans des organisations juives, soit dans les mouvements français de résistants (plus particulièrement les FTP-MOI).

L’enfance heureuse de Marcel, Maurice ne l’a jamais oubliée. Il est retourné au Montcel, a retrouvé sa chère Lili, sa mère savoyarde, unique survivante des Pegaz qui l’avaient accueilli comme leur propre enfant, et son témoignage a permis de leur faire reconnaître la qualité de Justes parmi les Nations par le Mémorial de Yad Vashem au nom de l’État d’Israël. Il aurait bien aimé que tous ceux qui avaient ainsi pu être sauvés agissent de même : cela n’a pas toujours été le cas. Et ça aussi, ça le met en colère.

Mais si Maurice parle encore aujourd’hui de son histoire, c’est pour mieux souligner qu’aujourd’hui, dans ce monde, il y a toujours des enfants qui subissent les conséquences de nombreux conflits.

C’est que sa double appartenance familiale, judaïque et savoyarde, a permis à Maurice-Marcel de devenir un homme.

« Je suis devenu homme. Je suis devenu moi. Un grand-père qui écrit pour ses petits-enfants. Pour tous les enfants du monde. Pour les humains. Un homme respectueux de la foi des hommes, mais un homme hors de l’église, de toutes les églises et de tous les temples, de tous les dogmes. Un homme frère des hommes. De tous les hommes. Un citoyen du monde. »

De cela, Maurice, nous n’avons jamais douté.

Dominique Boy-Mottard et Maurice Winnykamen au MUSEAAV

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