Dans quelques heures nous aurons quitté la Bosnie. Nous n’y avons pas passé assez de temps pour prétendre pouvoir émettre un avis éclairé. Seulement des sensations.
J’étais impatiente de revenir à Sarajevo. Je ne sais ce que je m’attendais à y trouver. Peut-être les années avaient-elles altéré mes souvenirs ? En tout cas, les deux journées que nous y avons passées ont donné naissance à des sentiments contrastés.
D’abord, c’est une grande tristesse qui m’a envahie, une tristesse à la double origine.
Les traces de la guerre de 1992-1995 sont toujours très présentes dans la capitale bosniaque, celles de balles des snipers sur les murs de nombreux bâtiments. C’est à ça que j’avais pensé lorsque j’avais vu l’exposition de Noël Dolla il y a quelques mois au musée Matisse. J’en avais été bouleversée : comment le peintre avait-il pu capter l’indicible dans une démarche qui restait esthétique ?
L’autre cause de cette tristesse, plus feutrée mais peut-être plus profonde, m’est tombée dessus dans le parc mémoriel de Vraca, une sorte de monument aux morts (en fait plusieurs monuments) dédié aux victimes de la 2e Guerre mondiale et à la gloire de Tito. Ce grand espace est aujourd’hui à l’abandon. Seules quelques gerbes finissant de sécher témoignent de l’hommage rendu sans doute par quelques officiels sans public dans les semaines passées. Pourtant la flamme de l’immense vasque brûle toujours. Qui l’entretient ? Ce parc étant situé dans une partie de la République serbe de Bosnie, il y a peu de chance que les autres communautés s’y rendent. La Yougoslavie a bel et bien vécu. Et dans ma tête tout se mêle, les morts d’hier et ceux d’avant-hier. Ils ne semblent plus intéresser grand monde et je ne suis pas sûre que la résilience y soit pour quelque chose. En témoigne la coexistence des différentes instances politiques, des différentes cultures et religions, des différents peuples qui ne formeront jamais une nation.
Toute ma journée d’hier a été plombée par ce constat. Mais heureusement, il y eut cette soirée que nous avons passée dans le coeur de Sarajevo, la vieille ville ottomane de Baščaršija, il y eut cette foule exubérante constituée essentiellement de jeunes gens et de jeunes filles déambulant dans les petites rues, prenant un verre aux terrasses des cafés dans une ambiance survoltée, la musique envahissant le quartier dans une joyeuse cacophonie.
Et même si, longtemps après être rentrée à l’hôtel, les décibels m’ont empêchée de fermer les yeux, c’est avec un certain soulagement que j’ai fini par m’endormir. Rien n’est parfait à Sarajevo, loin de là. Mais au moins cette génération ne connaît pas la guerre et son cortège de tragédies.
Hélas ! Les guerres de Yougoslavie ne seront pas les dernières à frapper le continent européen. L’État russe en a décidé autrement.









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