Un voyage qui se termine – même s’il y a encore la dernière soirée, forcément un peu nostalgique – et on en est déjà à chercher ce qu’il va en rester. Quels sont les moments qui nous ont offert les émotions les plus intenses, les sensations les plus fortes, ces moments dont on sait qu’on ne les oubliera pas ?
Bien sûr, ce voyage dans l’Ouest américain a connu de ces instants-là. Mais ce que je voudrais vous faire partager avant la reprise du cours plus classique de ma vie, c’est une de ces journées qui, bien qu’ordinaire, est forcément extraordinaire pour un Européen.
J’aime quand le matin nous prenons la route. Bien sûr, il y a un but pour la fin de la journée, parfois même l’hôtel a été réservé. Souvent, nous savons, plus ou moins, ce que nous allons trouver en chemin. Plus ou moins car les guides touristiques pour les Etats-Unis sont, dans leur grande généralité, très mal faits. On se demande parfois si leurs auteurs ont vraiment vu les lieux dont ils parlent et, ce qui est certain, c’est qu’ils comportent de nombreuses omissions. Il y a donc forcément presque toujours de bonnes surprises.
C’est ainsi qu’il y a trois ou quatre jours, nous avons quitté Kalispell dans le Montana pour rejoindre en fin de journée Yakima dans l’état de Washington. Le kilométrage prévu était assez long, mais ça ne fait pas peur à mon chauffeur (personnellement, je ne tiens pas spécialement à conduire et là, en plus, j’aurais eu quelques difficultés avec ma cheville encore dans son attelle).
Le premier spectacle est sur la route elle-même : peu de berlines comme la nôtre, mais des énormes 4×4, des pick-up, des camions, des motorhomes, et surtout des remorques au contenu souvent surprenant. Ainsi, nous nous sommes trouvés derrière un cerf sculpté dans le bois plus grand que nature, ou encore derrière un pick-up trimballant un quad et tirant une remorque avec deux canots à moteur… Sans oublier les bikers, assez nombreux, dont beaucoup – nous l’avons pensé en tout cas – devaient venir du Canada pour rejoindre le rassemblement de Sturgis.
Le bord de la route apporte aussi son lot de rencontres. L’avantage de ne pas prendre que des autoroutes, c’est qu’on croise beaucoup d’animaux (plus que dans les parcs nationaux finalement trop fréquentés pour qu’ils se montrent). Ce jour-là, ça a très vite commencé avec un petit groupe de biches et un jeune cerf, un peu plus loin avec ce que nous avons pris pour des poules faisanes (mais ça ne demande qu’à être corrigé tant notre connaissance en volatiles est limitée…). Quand nous nous sommes arrêtés près d’un pont, ce sont des oiseaux ressemblant à des rapaces (même remarque que précédemment) dans un nid que Patrick a pu immortaliser, et pour finir, une biche et son jeune faon au bord d’une rivière. Et il n’y a pas que les animaux sauvages : dans des régions plutôt agricoles, on trouve de nombreux bovins, taches sombres sur fond vert.
Il y a aussi les rencontres plus «exotiques» lors des haltes indispensables dans les stations-services. Un vrai monde, qui n’a rien à voir avec nos aires d’autoroute. On aime bien y prendre son temps, pas seulement pour se détendre. On y mange généralement plutôt bien (ce jour-là un chili con carne) et les gens qu’on y croise valent leur pesant de corn chips tant ils sont typiques : des Américains de petites villes avec leur look un peu cow-boy, qui échangent sans cesse des plaisanteries avec la serveuse qui n’a jamais la langue dans sa poche (qu’est-ce que je peux regretter de ne pas bien comprendre l’anglais pour saisir cet humour que je ne peux que deviner grâce à mes expériences cinématographiques). En approchant de notre destination finale, nous sommes tombés sur un bar fascinant tant il reflétait la quintessence de l’Amérique telle qu’on se l’imagine : quatre ou cinq bikers, femmes incluses, au look improbable, deux homos un peu exubérants jouant au billard américain et aux fléchettes avec un géant de deux mètres en bermuda et chaussettes blanches dans des claquettes, à l’autre bout de la salle un grunge semblant sortir tout droit d’un concert de Nirvana, la musique à fond, robuste, genre Creedence, et les bières qui circulent, tout ça dans une ambiance très bon enfant.
Enfin, bien sûr, last but not least, l’immensité et la diversité de la nature. Nous avons commencé avec des forêts assez claires et plutôt rassurantes. Nous avons suivi, comme la voie ferrée, la Kootenai River (du fait de la topographie, notre route doublait souvent le lit d’une rivière et une voie de chemin de fer) et observé le Cabinet Gorge Dam. La forêt s’est faite plus dense et plus sombre, le ciel s’est couvert et la brume est venue donner plus de mystère à notre voyage jusqu’à la traversée du grand pont de Sandpoint. À ce moment-là nous étions passés au nord de l’Idaho. En empruntant plus loin la mythique I-90 qui traverse d’Est en Ouest le pays, de Boston à Seattle, nous changeons d’état et allons tomber, par hasard, sur les gorges de la grande Columbia River, une vieille connaissance suivie deux ans plus tôt dans la partie de son cours qui sert de frontière entre l’Oregon et l’état de Washington. Un paysage à couper le souffle, à l’égal de celui dont nous nous souvenions et qui avait fait dire à Patrick que l’Interstate 90 était la plus belle autoroute du monde ! Avant d’arriver à Yakima, nous décidons de prendre une route secondaire (celle qui avait précédé l’autoroute), comme ça, pour changer. Là encore pas de regrets : nous suivrons jusqu’au bout la Yakima River dans ses gorges de rochers blonds, une rivière aux flots plus agités, empruntée par des pêcheurs à la mouche. Quelques miles avant l’arrivée «en ville», de grands vergers (le pommier semble une spécialité du coin) nous surprennent. Il est tard quand nous touchons au but : nous avons roulé pendant pas loin de 700 kilomètres, sans nous ennuyer un seul instant.
Des journées comme celle-ci, nous en avons eu bien d’autres. Du coup, ce voyage m’a confirmé ce que je savais déjà, mais sans doute avec encore plus de force, c’est que j’aime la route. Suis-je une routarde pour autant ? Non, pas au sens que l’on donne habituellement à ce mot.
Ce soir, au dîner, nous reparlerons de ce que nous avons vécu pendant ces trois semaines. Avec un peu de nostalgie sans doute, comme je le disais au début de ce billet. Mais nous commencerons à évoquer le jour d’après, le retour, et ce qui nous attend en rentrant. Et ça aussi, finalement, c’est intéressant.
Merci aussi à vous de nous avoir emportés un peu dans vos bagages! Voir tes photos, apprecier ton verbe sont de grands plaisirs.
tout comme Alain
merci a vous
Merci pour ce résumé d’une journée « ordinaire » sur les routes de ce qu’il est convenu d’appeler « l’Amerique profonde »…
Amérique profonde qui ne sont que les États Unis des que l’on sort des grandes villes clichés, des diverses Interstates ou highways…
Merci de nous faire découvrir, participer à vos promenades et autres ballades (que ce soit Lucy Jordan ou autres lapins du cosmos) 😉
Prenez en plein les mirettes de manière à patienter jusqu’à l’annee prochaine 💋
Patrick, nous n’avons pas manqué de penser à toi au « Crab pot » de Seattle…
Merci de penser à nous…
Ramenez moi une friture…. 🙂
Cette photo sur ce tracteur d’un autre âge montre bien la diversité de ce que vous rencontrez, elle proviendrait d’un kolkhoze d’avant la chute du mur ou de l’arriere cour d’un de ces bar/Resto/droguerie ou encore d’un Kiboutz que nous n’en serions pas plus étonnes…
Belles photographies et propos très évocateurs sur les voyages et les souvenirs qui restent et constituent l’imaginaire du voyageur….(voir le livre de Nicolas Bouvier, l’œil du voyageur !)
Welcome back…
Sorry for U 🙂