Quand il s’agit de traiter l’actualité immédiate, la fiction américaine est d’une incroyable efficacité.
Ainsi, cinq années après la campagne présidentielle 2008, la chaîne HBO (très appréciée sur un blog voisin…), nous livre un téléfilm de très grande qualité (Golden Globes 2013) désormais disponible en DVD.
Game change nous narre « l’ascension et la descente aux enfers de Sarah Palin », un document pour le moins ébouriffant sur l’incroyable parcours de Sarah Palin, gouverneur de l’Alaska, pro-life, créationniste, hockey mom autoproclamée et d’une inculture politique abyssale.
Confronté à l’avance d’Obama dans les sondages, le staff de McCain (un candidat républicain tout à fait honorable : rien à voir avec Bush ou même Reagan) s’affole et recrute in extremis Sarah Palin, politicienne inconnue mais dont les positions à l’emporte-pièce et un certain charisme sont censés inverser la tendance.
Très vite, l’équipe de campagne se demande même si cette dame, qui ignore qu’il y a deux Corées, qui pense que la reine d’Angleterre dirige son pays et qui prend des notes quand on lui explique la 2e Guerre mondiale (« les USA contre l’Allemagne et le Japon… je note… c’est top… », dit la dame) , n’a pas des problèmes psychiatriques.
Mais c’est une bonne oratrice capable d’improviser autour des obsessions de l’Amérique profonde. Dès lors, toute la stratégie de l’équipe de campagne (tétanisée) va consister à l’éloigner des médias et à attendre en croisant les doigts la défaite annoncée.
Le téléfilm montre les dangers des stratégies électorales uniquement basées sur la communication et la volonté d’épouser les fantasmes d’une supposée majorité silencieuse.
Mais le constat le plus terrible est que ce n’est probablement pas elle qui a provoqué la défaite de McCain. En tout cas, les dernières images de Sarah Palin nous démontrent qu’elle au moins pense le contraire.
Heureusement que, depuis, cette dame a disparu de la scène politique (même en Alaska), qu’Obama a été élu et réélu, que l’honorable John McCain est redevenu un homme politique républicain important et nécessaire à la démocratie américaine.
Voir, sur ce blog, le billet que j’avais écrit le 30 août 2008, à peine rentrée de Denver où la Convention démocrate venait d’investir Barack Obama, après avoir appris le choix de Sarah Palin par John McCain : Sarah Palin, une conservatrice radicale pour la Vice Présidence républicaine.
D’abord, le tite c’est Game Change, pas Game Chase. Ensuite le film n’a pas à la base l’ambition d’être une fiction mais un documentaire: HBO a une certaine expérience des longs documentaires: par exemple Paradise Lost, un mastodonte de six heures et demi qui chronique la manière dont les légendes urbaines des sectes sataniques -à la base un énorme hoax inventé par un escroc nommé Mike Warne qui devint riche à millions en se faisant passer pour un ex-prêtre sataniste repenti et en faisant la tournée des églises pour demander des dons pour la lutte contre le « fléau » de congrégations satanistes complètement fictives- a abouti en 1994 à la condamnation de trois adolescents de Menphis au terme d’un véritable procès de Salem des temps modernes (les trois adolescents furet libérés en 2011 quatre ans après que des analyses ADN qui les disculpaient furent révélées au public).
Pour revenir au film sur Palin, il faut bien voir que s’il s’agit bel et bien d’un documentaire construit sur les vrais interviews des vrais membres de l’équie de McCain, il s’agit tout de même d’un bon gros règlement de compte/lavement de mains de la part des proches de McCain:
Ce film appuie l’idée que Palin était en gros une petite fille pas très futfute qui ne connaissait rien et ne comprenait rien à la politique et n’était pas à sa place et fut le désastre ambulant qui coûta la présidence à McCain.
Rien n’est plus faux: Palin est une démagogue tout à fait compétente, talentueuse même, et passée maître dans les arts de la manipulation des rancœurs de la petite bourgeoisie et de l’habillage de l’égoïsme de classe en positions de principe: c’est pour cette raison qu’elle fut choisie, et s’il s’gissait bien d’un coup de poker de la part de l’équipe de McCain, c’était un coup calculé, d’autant lus qu’au début de l’été 2008, les sondages donnaient Obama gagnant avec 9, 10, voire 15 points d’avance: si on excepte la réélection magouilleuse de Nixon en 72, il fallait remonter à la traumatisante (pour les républicains) campagne de 1964, et l’écart était mis sur le compte de l’écart d’enthousiasme entre la base républicaine (qui traînait des pieds après 8 ans de Bush alors que les effets de la crise de 2008 se faisaient en réalité déjà sentir depuis plus d’un an) et la base démocrate (Hope! Change! Martin Luther King et Lincoln nous regardent d’en haut!).
Palin, qui n’a pas trouvé sa licence de journalisme dans une pochette surprise, et ne s’était pas imposée à la tête de l’Alaska en envoyant au tapis toute la vieille garde des républicains locaux par la grâce d’une opération du saint esprit, n’en déplaise aux plus religieux de ses soutiens, mais par le mélange d’un sens politique aigus et d’une hargne à faire passer Sarko pour un gentil garçon un peu timide a sans aucun doute aidé à réduire l’écart, sauf que..
Il se trouve qu’elle est aussi et surtout très très très très paresseuse, et c’est ça qui a rendu furieux les assistants de McCain quand ils l’ont vue plonger dans la campagne complètement à l’improv parce que ça la faisait chier de potasser les thèmes sur lesquels la presse allait l’interroger, ce qui rencontra le succès que l’on sait auprès des journalistes.
C’est ceci, associé au fait que quand s’est présenté l’opportunité d’intégrer le star-system et de devenir millionnaire en fichant pratiquement rien, Miss Wasilla a immédiatement sauté sur l’occasion, qui poussa les assistants de McCain à lui tailler un monumental costard dans la presse. D’un certain côté le taillage de costard était mérité, mais de l’autre, il n’était pas forcément des plus honnêtes: il s’agissait quelque part pour des professionnels de la politique (qu’on ne s’y trompe pas: les « political operatives » qui coordonnent les campagnes électorales sont des pros grassement rémunérés: rien à voir avec le militatisme bénévole à la Française où même les militants UMP prennent pro-bono sur leur temps libre pour aller aller faire la manche pour le Sarkothon) de se défausser de leur défaite collective et de sauver leur CV et leurs perspectives d’emploi futur en chargeant la barque contre Palin.
Quant à McCain… « Honorable » n’est définitivement pas le terme que j’emploierait pour le décrire, mais je pense que ma bûche est déjà bien assez longue comme ça.
C’est là que l’on se dit en voyant ce genre de personnage que quand même la politique c’est un peu un métier, et que c’est tant mieux !
En tout cas, Dominique, si tu confonds Pinsk avec Minsk tu ne confonds pas Palin et malin !
On a, là-bas comme ici, les élus qu’on mérite, à une nuance près, là-bas comme ici également. Soit le candidat (et l’élu) respecte ses électeurs et essaye de faire preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle et de pédagogie (mais ce n’est pas la méthode la plus efficace pour gagner ou conserver son mandat et encore faut-il en avoir les capacités et talent pour le faire), soit il se met au niveau le plus « moyen » (Rigolez pas, c’est ce que fait notre éducation nationale en primaire et secondaire, avec les conséquences que l’on connait) et caresse l’électeur dans le sens du poil (et en Alaska, il y a beaucoup de bêtes à poils, à 4 ou 2 pattes, les seconds tirant sur les premier au fusil d’assaut)
Je partage les conclusions érudites de Laurent Weppe, notamment le fait qu’il ne suffit pas de faire de la com, de se créer un personnage, de faire croire aux gens qu’ils « participent », pour que son désir de candidate corresponde à l’avenir qu’ils attendent.
Bien entendu, de chaque côté de l’Atlantique, derrière chaque candidature, surtout à ce niveau, il y a des intérêts, plus ou moins directement concernés et organisés en lobbys (par ex. la NRA), qui, même pendant des traversées du désert, contribuent à faire exister un(e) ex ou futur(e) candidate (e) , comme par exemple « Le Monde », qui ouvre ses colonnes à Ségolène Royale dès qu’elle s’exprime sur tout et n’importe quoi, comme si son opinion avait valeur d’expertise ou un intérêt politique particulier en tant que quoi, on se le demande (ex candidate, ex femme du Président, ???). Mais « Le Monde », c’est, entre autres, Pierre Berger, financeur de la candidature Royal.
Pour en revenir à l’Alaska, Etat de ploucs par excellence (mais aux paysages – et aux moustiques – grandioses), aux dernières nouvelles, Sarah Palin n’exclut pas de se représenter au poste de sénateur (cf http://politicalticker.blogs.cnn.com/2013/07/09/palin-im-considering-a-senate-run/?iref=allsearch .
On n’a pas fini de rigoler en regardant Jon Stewart http://www.thedailyshow.com/