Après le constat, les priorités pour améliorer la situation. Comme promis, voilà la suite de l’intervention de François Hollande au Congrès de la Mutualité française, congrès qui, de surcroît, nous a permis de retrouver de nombreux et vieux amis mutualistes comme les « locaux », René Charrayre-Fest, Joël Derrives et André Arnaudy, et le « Tourangeau » Yannick Lucas, devenu par ailleurs délégué aux finances de la ville de Tours, qui a tenu à nous faire rencontrer Marisol Touraine, également très présente, et pour cause, dans ce congrès.
LA PREMIÈRE PRIORITÉ : L’ACCÈS DE TOUS AUX SOINS
Pour cela, le Président a relevé la nécessité de se préoccuper non seulement de l’assurance-maladie obligatoire mais aussi des complémentaires qui assurent aujourd’hui, pour certains soins, la plus grande partie de la prise en charge des frais engagés par les assurés.
Pour améliorer l’accès aux soins, quatre directions doivent être prises :
1. Généralisation, à l’horizon de 2017, de l’accès à une couverture complémentaire de qualité
Trop de personnes en sont aujourd’hui exclues malgré la CMU et la CMU-Complémentaire (4 millions) et le risque est de laisser le marché libre, cette liberté conduisant à de graves dérives. Préférant l’incitation à l’obligation d’assurance, François Hollande, après avoir rappelé que l’Etat consacre plus de 4 milliards d’aides fiscales et sociales à l’acquisition d’une complémentaire santé, a demandé au gouvernement de réorienter ces aides pour en élargir le nombre des bénéficiaires. En effet, à l’heure actuelle, ces mécanismes profitent davantage à aux cadres de la grande entreprise qu’aux salariés à temps partiel, aux chômeurs, aux retraités, dans l’incapacité de s’offrir une complémentaire santé. « Cette situation représente à la fois un gâchis financier et une injustice ». L’objectif est de traduire ces orientations dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
2. Maîtrise des dépassements d’honoraires
Les dépassements d’honoraires, c’est quelque chose que nous connaissons bien – hélas ! – dans le département des Alpes-Maritimes. Et en France, c’est plus de la moitié des spécialistes qui pratiquent ces dépassements avec parfois des taux exorbitants. Les négociations (auxquelles participe la mutualité) doivent aboutir à un accord avec, pour objectif central, « la diminution progressive mais réelle du reste à charges pour les patients ». Trois principes guident l’Etat :
– la protection des patients par le plafonnement des dépassements ;
– en contrepartie, l’amélioration de la protection sociale des médecins de secteur 2 qui seraient prêts à adopter de nouvelles pratiques ;
– enfin, le soutien à la médecine générale de secteur 1 dont le rôle dans la prise en charge globale des patients doit être mieux reconnu.
Et si la discussion n’aboutissait pas « le gouvernement prendrait toutes ses responsabilités en proposant au Parlement de légiférer ».
3. Lutte contre les déserts médicaux
Les inégalités sont également territoriales : les zones rurales et certains quartiers défavorisés sont touchés. « Pour le cas – important – des soins urgents, j’ai fixé un objectif : aucun Français ne doit se trouver à plus de trente minutes d’un service d’urgence ».
« C’est tout le financement de l’hôpital qui est à revoir (…). La tarification à l’activité n’est qu’un outil. Elle a partiellement atteint ses objectifs ; elle a surtout montré ses limites. Aucun instrument financier, si ingénieux soit-il, ne saurait remplacer une stratégie sanitaire. » Il convient de valoriser les missions spécifiques du service public hospitalier, ses obligations particulières, sociales bien sûr, mais aussi territoriales, scientifiques. Le gouvernement a décidé d’investir dans les hôpitaux et de les aider à diversifier leurs sources de financement. « Le service public hospitalier, de nouveau pleinement reconnu, aura ainsi les moyens de se tourner vers l’avenir. »
La médecine de proximité doit aussi se structurer. « Dans ce domaine, je ne crois pas à la coercition, ni à l’obligation. Je suis favorable à des mesures d’incitation. » Certaines avancées concrètes figurent déjà dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 : création de 200 « praticiens territoriaux de médecine générale », aide financière (« forfait structure ») permettant de couvrir les frais d’une organisation commune entre professionnels de santé, poursuite de l’encouragement des maisons médicales pour permettre aux jeunes professionnels d’exercer leur activité dans un cadre adapté à leurs attentes. « Tout cela doit conduire à une pleine reconnaissance du médecin traitant, évoluant dans un cadre collectif et assuré d’un juste niveau de rémunération. A cette fin, l’extension du système des forfaits et sa modulation en fonction de la densité médicale des territoires permettront de répondre à cet objectif. »
(à suivre, la seconde priorité de François Hollande : la modernisation de notre organisation de santé)
Encourageant, au moins quant à la volonté politique affichée. Un peu surpris de découvrir cette enveloppe « spécial complémentaire » de 4 milliards qui ne profite nullement aux classes moyennes ou en situation de précarité. La complémentaire est effectivement un luxe de cadre parmi d’autres avantages. C’est précisément ce genre de découverte qui me conforte parfois dans mon scepticisme sur les grands discours humanistes de nos dirigeants, y compris de ceux qui se revendiquent de courants estampillés « progressistes ». Mais bon, pas de mauvais esprit : espérons qu’en la matière les actes suivront assez tôt les paroles… Avant la fin de ce mandat présidentiel me semblerait tout ce qu’il y a de plus « normal ».
On peut toujours rêver !
MC