Belle journée que ce dimanche de deuxième tour. D’autant plus belle sans doute qu’elle s’est bien terminée…
N’ayant plus de tournée des bureaux à faire dans le 7e canton, j’ai pu, comme tous les amis de Gauche Autrement et du PRG, me consacrer entièrement au 5e canton. Sans mission particulière, mon emploi du temps était finalement plutôt libre, rythmé par les appels téléphoniques ou les sms de nos assesseurs me transmettant en temps réel l’état de la participation dans leurs bureaux… de même que leurs inquiétudes. On ne dira jamais assez à quel point l’examen attentif des électeurs nourrit les fantasmes les plus divers. L’assesseur essaie toujours de deviner comment va voter le citoyen qui se présente devant lui. Tout entre en considération : l’âge, la façon de s’habiller, de se déplacer, de regarder, de prendre les bulletins… Et le plus souvent les conclusions qu’il en tire ne sont guère optimistes : l’assesseur ne veut pas crier victoire trop tôt, alors il envisage la défaite, une façon sans doute de conjurer le sort.
Bref, après quelques coups de fil, je me trouve terriblement angoissée. Ma première sortie, en fin de matinée, fut pour aller voter, mesurant la chance que j’avais d’être inscrite dans un canton où l’un des deux finalistes appartenait à ma famille politique… et ma famille tout court !
Le trajet jusqu’au bureau de vote, en compagnie du candidat et néanmoins époux, leva tous les doutes. Les nombreuses personnes rencontrées sur le chemin, souvent en couple (j’ai réalisé que l’accomplissement du devoir électoral était une activité qu’on pratiquait réellement à deux ou en famille), tenaient à manifester de façon visible leur soutien au conseiller général sortant : certaines s’arrêtaient pour discuter, d’autres se contentaient d’un petit signe de la tête avec un sourire qui semblait dire « je viens d’aller voter… et bien ». Au milieu, il était très facile de deviner celles qui avaient voté pour l’adversaire : regard fuyant en nous croisant, tête baissée, pas qui s’accélérait à notre approche. Ces manifestations étaient beaucoup plus « remarquables » qu’à l’habitude, sans doute en raison de l’enjeu : l’adversaire étant un FN, certains tenaient absolument à faire comprendre que jamais au grand jamais ils n’auraient pu voter pour lui, tandis que les autres, face au candidat, étaient quand même un peu gênées (cela tranchait d’ailleurs avec les réactions des mêmes pendant la campagne entre les deux tours où l’affichage du choix pour le candidat d’extrême droite était souvent pleinement assumé). En tout cas, chez chacun, on pouvait sentir la conscience de la gravité pas tant de la situation (il faut quand même relativiser) que de l’acte de vote : j’ai trouvé ça rassurant en ces périodes d’abstention galopante.
A l’arrivée à l’école Saint Barthélemy et ses neuf bureaux de vote, le doute n’était plus permis : les manifestations de soutien étaient trop importantes pour ne pas avoir de sens. Une anecdote, que j’ai trouvée vraiment mignonne : une petite dame d’un certain âge, rencontrée quelques minutes plutôt dans la cour de l’école (très anti FN et pro Mottard) et avec laquelle nous avions échangé quelques mots, nous repasse devant à la sortie et nous lance : « et pour que les choses soient bien claires, je suis Mme Martin et j’habite 14 Bis avenue Montclar ! » (le nom et l’adresse ont été changés). Elle avait raison, les présentations n’avaient pas été faites.
Les conversations qui se poursuivaient devant l’école alors que la pluie avait commencé à tomber m’incitèrent à abandonner là Patrick pour rejoindre la permanence où se croisaient les délégués venus récupérer les paniers-repas à distribuer aux assesseurs. Avec certains d’entre eux restés sur place, nous avons pu profiter du déjeuner improvisé, comme au premier tour, par Marie. Encore sous le charme des sourires de Saint Barthélemy auxquels étaient venus se joindre, sous la narration de Sami, ceux des bureaux de l’école Thérèse Roméo, c’est avec un moral d’acier que je rentre préparer un cours pour le lendemain et attendre avec sérénité la clôture du scrutin. Las ! Au premier appel d’Alain, assesseur dans le nord du canton, qui trouvait que la pile des bulletins du FN descendait plus vite que celle de Patrick, que les électeurs ceci…, que les électeurs cela… que non, ils n’avaient pas l’air très sympathiques (« sûrement des électeurs du Front »), j’ai pu me rendre compte que cet acier était en fait de la guimauve…
Jusqu’à l’annonce, très tôt, des premiers résultats. Mais vous connaissez la suite…
Je suppose que ton mari a été élu… J’ai bien pensé à toi car on a beaucoup parlé du succès du FN dans votre région, en me demandant comment on peut vivre quand on se sent entouré de ces électeurs frontistes ? Autre question : pourquoi y en a-t-il plus qu’ailleurs ? Dans le Nord, on comprend pour la situation économique mais à Nice ?
Se sentir entouré d’électeurs frontistes ? Bien sûr c’est inquiétant. C’est aussi un peu déprimant, d’autant que la majorité d’entre eux se trouvent dans l’électorat populaire au sein duquel le discours frontiste (bouc émissaire) passe d’autant mieux qu’il est confronté à diverses incivilités.
Pourquoi plus qu’ailleurs ? La sociologie est souvent invoquée. Dans les Alpes-maritimes, le luxe côtoie la plus grande pauvreté : c’est l’un des départements de France où il y a le plus de pauvres… et le plus de riches, ce qui peut créer des frustrations. Et comme par ailleurs, il n’y a pas de tradition ouvrière, cette culture, avec ce qu’elle peut avoir de générosité et de solidarité, ne s’y rencontre pas. Il y a aussi à Nice beaucoup de pieds-noirs dont on pense généralement qu’il s’agit d’un électorat privilégié du FN.
En lisant ton post, je ne peux pas m’empêcher de penser à la journée pourrie que j’ai fait passer à José, en voyant des électeurs frontistes partout. Finalement, il avait peut-être raison les votants du matin ne sont peut-être pas si à droite que cela. On m’enlèvera pas de l’idée que ceux en survêtement les jours de pluie….
Je suis d’accord avec Dominique!
Assesseur, j’ai passé une bonne partie de la matinée à imaginer ce que pouvaient voter les citoyens qui passaient devant moi; jusqu’à ce que j’ai vu arriver une jeune femme, très jolie, souriante, sympa, décontractée. Je me suis dit celle là ne peut que voter pour Patrick. Après avoir controlé son identité et lui avoir donné son enveloppe en lui adressant un sourire qui se voulait complice je l’ai vu se diriger vers les piles de bulletin et prendre ostensiblement un bulletin, un seul…… celui du Front National.
C’est vrai qu’elle était blonde, j’aurai du me méfier!
Après, j’ai arrété de me livrer à ces déductions hâtives!
Le soir en dépouillant, première enveloppe de 100 bulletins… le front était devant, j’ai maudit la blonde.
Deuxième enveloppe, Patrick était devant, j’ai méprisé la blonde;
Troisième enveloppe Patrick était devant j’ai oublié la blonde
quatrième enveloppe le Front était devant, j’ai insulté la blonde.
Au total Patrick distanciait la blonde de quelques voix.
S’agissant d’un bureau où Patrick était en troisième position au premier tour, j’étais alors sur de la victoire avant d’arriver à la permanence!
Il faut se méfier des blondes!
ce matin j’ai écouté sur FRANCE INTER emmanuel TODD sur le résultat des élections.
et son analyse sur le comportement de sarko et sa bande.
si vous avez le temps allez l’écouter sur dailymotion.
bernard ton billet est trés drôle.
jean pierre
» Ouiais, Tu sais, c’était samedi à côté de la maison de la radio, je marchais dans la rue, et puis il y a une fille juste devant moi avec ses grands cheveux blonds, tu vois. J’ai commencé à la suivre parce que je ne sais pas j’avais envie de…et puis elle s’est retournée et là! Qu’est-ce que je vois? Putain! Marine Le Pen, non mais… Marine Le Pen, tu le crois pas… tu le crois ça? » chante p aterine.
Lu hier soir « Reviens vite »; une très belle Note, des mots justes. Emouvant.