A un moment où les projecteurs de l’actualité s’orientent à nouveau sur l’ex Yougoslavie, y compris sur les blogs, c’est à un souvenir qui n’a rien de politique que l’évocation de cette région d’Europe me renvoie. C’était il y a quatre étés, au bord des Bouches de Kotor…
Cette année-là, nous avions décidé de retourner sur des terres que nous avions connues avant les guerres de Yougoslavie. C’est ainsi que nous sommes arrivés au Monténégro qui, en 2004 était encore rattaché à la Serbie au sein de la République qui portait toujours le nom de Yougoslavie, venant de Croatie.
Nous avions fait avant un crochet par Mostar, en Bosnie (plus spécialement en Herzégovine), car nous voulions voir le fameux pont d’où la ville tient son nom (Stari Most, littéralement Vieux Pont). Ce pont avait été construit au XVIe siècle, sous le règne de Suliman le Magnifique. Bombardé par les forces croates en 1993, il avait été complètement détruit. Suite à un appel de l’UNESCO et de la Banque mondiale, le pont, inscrit au patrimoine mondial, fut reconstruit à l’identique et cette reconstruction venait d’être achevée quatre mois plus tôt quand nous y arrivâmes. Nous l’avions perçu comme un magnifique symbole dans cette ville qui demeurait coupée en deux entre sa partie croate et sa partie bosniaque et où les traces de la guerre étaient toujours présentes : maisons à moitié détruites, traces de balles sur presque tous les murs encore debout… Nous avions passé la soirée dans le quartier du pont, un quartier dans lequel déambulaient familles et jeunes gens, très jeunes, car la génération précédente avait été presque exterminée lors de la guerre de 93-95. C’était à la fois douloureux et plein d’espoir. Cette jeunesse-là, très semblable extérieurement à la jeunesse occidentale, débordait de vie. Particulièrement les jeunes filles : manifestement, elles ne souhaitaient pas adopter les signes extérieurs de leur religion.
Nous avions franchi la frontière du Monténégro après être revenus sur la côte, en Croatie. Nous n’étions pas mécontents de la quitter avec son cortège de touristes, souvent français, déambulant sur les remparts de Dubrovnik. Les Bouches de Kotor, merveille naturelle, étaient tout de suite là. On les considère comme le plus grand « fjord » méridional. Les montagnes qui entourent les golfes se reflètent dans l’eau de l’Adriatique. Une route étroite longe le bord de mer et traverse une série de petites villes très animées. Nous étions en août et il y avait beaucoup de vacanciers « locaux », des Serbes pour la plupart. C’est dans l’une d’elles – dont j’ai oublié le nom – que nous nous sommes arrêtés pour nous promener. La plage de galets ne devait avoir guère plus de dix mètres de large et était bondée. A proximité, on pouvait voir quelques vieux navires rouillés. Très vite, j’ai ressenti quelque chose de familier. Quelque chose de familier mais qui venait de loin. Assise sur le parapet délimitant l’accès à la plage, je fermais à demi les yeux, comme quand on est allongé sur une plage en plein soleil et que l’extérieur ne nous apparaît plus qu’à travers quelques battements de cils. L’impression de déjà vu, de déjà entendu, de déjà senti se précisa : les silhouettes démodées, les bruits étouffés par les vagues, les odeurs salées, étaient ceux de mon enfance, étaient ceux du temps où on s’amusait sur les plages, où l’on goûtait en famille les plaisirs de la « baignade ». Bien sûr les lieux étaient différents, mais c’étaient les mêmes enfants qui riaient, les mêmes parents qui jouaient avec eux. Nous ne sommes pas restés très longtemps, mais avant de partir, alors que nous cherchions quelque chose à manger, nous sommes entrés dans une petite épicerie fort démunie, mais qui a achevé de me faire basculer dans le passé : on y vendait des cornets de glace comme avant, du temps où les parfums ne se déclinaient qu’en vanille, chocolat ou fraise. Comble de bonheur, nous avons pu acheter du pain et une tablette de chocolat et cette barre de chocolat, dont le goût était celui de l’enfance, était bien meilleure que toutes les barres chocolatées du monde. Nostalgie, quand tu nous tiens…
Si je ne m’abuse, en 2004, ce n’était plus la république de Yougoslavie mais la Serbie-Monténégro….
Certes, cher Tito… mais les Serbes continuaient à vouloir l’appeler ainsi (3e République de Yougoslavie).
L’évocation est belle et le style de l’écriture suit. Nous aussi d’ailleurs ; du coup nous devenons nostalgiques d’un non-vécu. C’est réussi.
« Nostalgiques d’un non-vécu »… j’adore !
Bonsoir
Exactement ce que nous avons vécu il y a trois semaines , j’ai bien aimé le coté des bouches de kotor avec la petite route le long des villas et petits appartements.
Avec ces petites plages et embarcadères . c’est un endroit magique on l’ont se sent bien de suite.
Super acceuil dans un petit camping (17 emplacements) dans le jardin d’une des villas.
J’y retournerais.
Fred
Merci Fred pour votre témoignage. Je pense aussi que j’y retournerai. Il me semble qu’on fait de plus en plus de pub pour la région, ce qui sera sans doute bien pour l’économie touristique locale… mais moins pour la nostalgie. Félicitons-nous d’avoir pu les connaître avant ce qu’il en adviendra 🙂
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