Nice-Matin de ce lundi. Sous le titre « Estrosi vante les avantages de sa double casquette », on peut lire l’information suivante :
« Au cours de son passage au conseil général, Christine Lagarde a souligné combien les Alpes-Maritimes avaient été bien dotées ces deux dernières années. Le président Christian Estrosi, par ailleurs secrétaire d’Etat et candidat à la mairie de Nice, a saisi la perche tendue en précisant combien il était utile « d’être à la table de ses amis (du gouvernement) et enraciné dans son territoire« . Il conclut : « Chacun me comprendra« … »
Oh oui, pour comprendre, on comprend ! Si Monsieur Estrosi cumule, c’est dans l’intérêt des administrés. Pas besoin de lire entre les lignes, c’est très clair : comme Monsieur est ministre, Monsieur peut obtenir des faveurs pour le département dont il est le Président du CG, et s’il devient maire…
Ce propos, je le trouve scandaleux. Les ministres ne sont-ils pas des ministres de la République ? Leur intérêt ne doit-il pas se porter sur l’ensemble du pays plutôt que de se limiter à leur pré carré ? Tout ça dans un but clairement affiché de clientélisme : si vous votez pour moi, je pourrai vous faire bénéficier d’avantages grâce à mes relations parisiennes….
Le plus surprenant, c’est que c’est dit sans honte, comme s’il y avait lieu d’en être fier. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le Président du CG tient ce type de raisonnement. En pleine séance – il était alors ministre à l’Aménagement du Territoire -, Monsieur Estrosi nous avait clairement dit à quel point son poste était intéressant d’un point de vue stratégique. En effet, à cette place, il pouvait accorder pas mal d’avantages à ses collègues (sur leurs terres respectives), qui, du même coup, lui devenaient redevables ce qui pouvait être très intéressant pour l’avenir…
Oh ! Bien sûr, il n’est pas le seul à faire valoir d’autres mandats ou fonctions pour s’assurer des voix. Les mêmes n’hésitent d’ailleurs pas à dire aux électeurs : si je suis élu, je serai dans la majorité et je pourrai obtenir plus facilement des avantages pour votre canton, votre circonscription, que mon adversaire qui lui sera dans l’opposition…
Alors oui, il n’est pas le seul. Mais c’est pas une raison !
Vous avez tout dit Dominique.
Dans cet exemple et dans d’autres (le discours des syndicats par exemple quand ils nous expliquent qu’ils font grève préventivement pour instaurer un rapport de force) je trouve qu’un cynisme physiquement insupportable se banalise.
Cela me fait penser aussi au lobbying qui est enseigné. On paie des gens très chers pour inventer des stratégies tarabiscotées et on le dit. On dit que leur boulot c’est juste d’influencer pas de chercher bien entendu ce qui est meilleur pour tous.
Si j’ai décidé de vivre dans un monde parallèle, c’est bien que celui-là est invivable.
Bien courageux, vous êtes certains…
Je suis complètement d’accord avec toi Dominique. C’est vraiment impressionnant de tenir pareil discours sans aucune honte, de l’afficher et d’en faire un argument électoral. C’est d’abord la preuve d’un manque d’arguments sur le fond et ensuite la preuve d’un manque d’intégrité. Et en plus c’est vraiment prendre les gens pour des abrutis : je cumule mais je vous explique pourquoi c’est bien pour vous…
J’aime bien cet article et je partage ton point de vue. Dailleurs ce matin, sur France Culture il y a eu un édito de je-sais-plus-qui sur Peyrat, sur les cumulards. L’invité était Balladur, qui s’est un peu exprimé la dessus (avec beaucoup de précautions…).
Bisous Dominique!
Cela va même plus loin: le discours clientéliste est toujours accompagné de menaces sous-entendues, d’ultimatums officieux: « Attention: si celui que vous élisez n’est pas un copain du gouvernement, celui-ci saura châtier votre vote ». Ce qui est écœurant avec ce discours, c’est que la menace est dite sans aucun gant: « Je vais leur faire une offre qu’ils ne peuvent pas refuser » aurait dit Marlon Brando dans un de ses rôles…
C’est là que je regrette vraiment la remise aux calendes grecques du mandat unique (au moins pour les mandats nationaux): interdire l’accès à un mandat local à celui qui est déjà député ou ministre ne mettrait certes pas fin à ce type de discours, mais au moins les politiciens les moins honnêtes auraient-ils davantage de mal à se métamorphoser en dynastes.
[…] Voir, notamment sur ce blog, en date du 20 novembre 2007, Récidive et, le 16 novembre 2010, On n’est pas ministre pour défendre son lopin de […]